Au début, ce fut l'indépendance du pouvoir, ensuite l'organisation judiciaire et un nouveau statut des magistrats… Aujourd'hui, la troisième phase démarre avec le Code de procédure civile. C'est un nouveau palier dans le chantier de la réforme de la Justice qui vient d'être franchi. Au Conseil du gouvernement du jeudi 23 février, le ministre de la Justice a présenté le premier d'une série de textes de réforme de la Justice qui touche directement le citoyen justiciable. Le projet du nouveau Code de procédure civile (CPC) sera donc injecté incessamment dans le circuit législatif. Depuis l'adoption de la Constitution de 2011, le vaste chantier de la réforme de la justice a été entamé. Un premier palier consiste en la consécration de son indépendance en tant que pouvoir à part entière. La deuxième phase, menée juste après, consiste en la dotation des magistrats d'un nouveau statut et la mise en place d'une nouvelle organisation judiciaire. La troisième phase devrait commencer avec l'adoption d'un nouveau Code pénal. Sauf que l'ancien gouvernement s'y est mal pris, tentant d'imposer le texte par la seule suprématie numérique du parti au pouvoir au Parlement. Nous savons tous comment cela a fini. Le texte a été bloqué pendant plus de quatre ans avant d'être retiré du circuit législatif par le gouvernement actuel. Celui-ci a d'ailleurs entrepris une démarche totalement opposée en élaborant le projet de réforme du Code de procédure civile. Une même démarche est d'ailleurs préconisée pour les autres textes à venir, le projet du Code pénal, le projet du Code de procédure pénale, le projet de loi portant digitalisation de la Justice, le projet de loi relatif aux professions judiciaires... Pour le projet du CPC, comme le désignent les initiés, au demeurant l'un des axes majeurs de la réforme du système judiciaire dont la révision est attendue depuis 2013, il est passé par un long processus de concertation, avec les parties concernées et à leur tête les avocats, avant d'aboutir, il y a un peu plus d'une semaine, devant le Conseil du gouvernement. Notons qu'avant le lancement de cette concertation, le ministre de la Justice avait fait une présentation d'une première mouture de cet avant-projet en Conseil de gouvernement, le 3 novembre de l'année dernière. Le texte aurait pu être présenté et adopté à cette époque, ça aurait été la solution facile, mais le gouvernement a choisi une voie plus laborieuse, celle du dialogue. Refonte globale Sans entrer dans les détails, le nouveau texte apporte des changements majeurs. Pour paraphraser le ministre, il s'agit notamment du «renforcement du rôle de la Justice, du bon fonctionnement de l'appareil judiciaire, de l'amélioration des services rendus et de la simplification des procédures». Le texte vise également, toujours selon le ministre, «à faciliter l'accès à la Justice, réduire les délais et rationaliser les voies de recours, dématérialiser les procédures judiciaires...». Dans l'absolu, tout ce qui est relatif à l'exécution des jugements sur les personnes morales a été évacué et fera l'objet d'un texte indépendant. Par contre, il a été procédé au rassemblement de tout ce qui est lié aux questions de compétences, aux dispositions spéciales liées à la justice administrative, de commerce et de proximité, jusque-là éparpillées dans plusieurs textes, et a été incorporé dans cette réforme. De même que, pour la première fois, le nouveau Code de procédure pénale organise des dispositions spécifiques au droit international privé. En d'autres termes, une fois que le nouveau CPC entré en vigueur, les juridictions marocaines pourront connaître des actions initiées contre des Marocains, même lorsque ces derniers n'ont pas de domicile ou de résidence au Maroc. Les magistrats marocains seront également aptes à statuer sur les actions dirigées contre des ressortissants étrangers n'ayant pas de domicile ou de résidence au Maroc. Dans ce cas, la procédure doit concerner des biens situés au Maroc, ou des obligations nées ou dont l'exécution doit survenir sur le territoire marocain. Cette même compétence s'étend notamment aux dossiers liés à des droits intellectuels au Maroc, aux procédures de traitement de difficultés d'entreprises ouvertes au Maroc, entre autres. Les affaires portant sur les biens immobiliers ne sont pas concernées dans les deux cas. Outre cet aspect, le nouveau texte donne également la part à l'arbitrage, et dans le cas des affaires liées au droit du travail, à la conciliation. Evidemment, et comme l'a d'ailleurs soutenu le ministre à plusieurs reprises, la digitalisation sera de mise, surtout pour ce qui est de l'épineuse question de notification des jugements ou de procès. Le nouveau texte ouvre ainsi la voie à la Justice d'accéder aux bases de données de plusieurs organismes publics, y compris, selon une procédure bien définie, celle de la DGSN. Naturellement, il y est également question de réduction des délais, car, selon le ministre, «il n'est plus acceptable dans le Maroc d'aujourd'hui que des procès durent 20 ans et plus».
Florilège Manœuvres dilatoires, procédures abusives, ... «Tout plaideur est tenu d'exercer ses droits selon les règles de la bonne foi». C'est un principe que le nouveau CPC compte bien concrétiser. Ainsi, si le tribunal constate qu'une partie plaide «de mauvaise foi», il peut la condamner à une amende pouvant aller jusqu'à 10.000 DH. Cassation, un droit restreint aux grosses affaires Les pourvois en cassation ne seront plus autorisés que pour les dossiers où la valeur des demandes est égale ou supérieure à 100.000 DH. Ce seuil est actuellement de 20.000 DH. Une disposition qui pourrait alléger considérablement la pression sur ce niveau de juridiction. Les biens de l'Etat, insaisissables C'est une question qui sera définitivement tranchée. Les moyens logistiques, matériel, équipements et appareils destinés à servir les administrations de l'Etat, les établissements publics et les collectivités territoriales, deviennent par la force de la loi insaisissables. Lèse-magistrat, les choses se corsent Les parties sont tenues d'exposer leurs arguments et attendus avec modération. Tout manque de respect dû à la Justice sera lourdement sanctionné. Le président peut condamner les auteurs de ce forfait à une amende allant de 1.000 à 10.000DH, contre 60 DH actuellement.