Gérard Araud, ambassadeur retraité, s'est autorisé une attaque gratuite contre le Maroc. Le royaume chérifien, qui réclame la mise en actes du «soutien» français pour ses intérêts, voit clairement les contradictions qui secouent les cercles français sur l'affaire du Sahara. Partout, les alertes fusent : les liens entre le Maroc et la France ne compteront plus que pour mémoire dans la balance si les relations restent faussées et dévoyées par Paris. Dans les cercles diplomatiques internationaux, Gérard Araud, ancien ambassadeur de France aux Etats-Unis, en Israël et ex-représentant de la France au Conseil de sécurité de l'ONU (retraité depuis 2019), est décrit comme un homme qui se pique d'être un pragmatique adapté aux nécessités de son temps, mais victime de ses impertinences oratoires et de ses prises de position polémiques. En réponse à un tweet sur les relations glaciales entre Paris et Rabat, Gérard Araud a accusé le Maroc d'exercer du «chantage» à l'égard de la France sur le dossier du Sahara. «En gros, c'est l'habituel chantage marocain sur le Sahara occidental à la suite de la volte-face américaine alors que, pendant des décennies, la France a été seule pour défendre les intérêts marocains au Conseil de sécurité», a-t-il tweeté. Assez étrange, l'accord tripartite que M. Araud a qualifié en 2020 d'«éclatant succès» a été réduit, dans sa dernière sortie, à une simple «volte-face américaine». Délibérément amnésique, l'ex-diplo ? «La France n'est plus capable de soutenir dans le monde ses intérêts. Beaucoup de pays se dispensent progressivement de compter avec elle», note une source proche du dossier. Le Maroc comme les EAU, avant lui, entretenait d'excellentes relations avec Israël. Il ne fait qu'officialiser ce que chacun savait. Et, en plus, la contrepartie est inestimable. Voilà un éclatant succès. — Gérard Araud (@GerardAraud) December 10, 2020 Etats-Unis, Maroc : Araud, déductions à l'emporte-pièce Lors l'annonce de l'élection de Donald Trump à la Maison Blanche, en novembre 2016, Gérard Araud avait ainsi commenté la nouvelle sur Twitter : «Un monde s'effondre devant nos yeux. Un vertige.» Un message incendiaire sans précédent. L'ex-ambassadeur allait même provoquer une crise diplomatique inédite qui a failli lui coûter son poste. Les téléphones ont bougé. Il avait finalement préféré retirer son malencontreux tweet quelques minutes plus tard. Deux ans plus tôt, en 2014, un acteur espagnol amateur a déterré des propos qu'il a attribués à l'ex-directeur des affaires stratégiques du Quai d'Orsay : le Maroc est une «maîtresse avec laquelle on dort toutes les nuits, dont on n'est pas particulièrement amoureux mais qu'on doit défendre». Des mots cités par Le Monde et qui ont provoqué l'ire de Rabat qui a pourtant empêché l'effondrement sécuritaire français. Quelques mois après, François Hollande, l'ex-président français, a vivement remercié le roi Mohammed VI en visite à Paris, pour le rôle crucial des services de renseignement marocains dans l'enquête sur les attaques à Paris de 2015. C'est en effet le royaume chérifien qui a permis aux services antiterroristes parisiens de localiser le cerveau des attentats, Abdelhamid Abaaoud, sur le territoire français et contribué à déclencher l'opération à Saint-Denis. C'est aussi Rabat qui a orienté les enquêteurs français sur la piste belge, empêchant ainsi d'autres bains de sang sur le sol européen. Le vrai aveuglement est de nature française Pourtant, le même Gérard Araud, en octobre 2022, répandant à la question s'il faut que Paris reconnaisse la souveraineté marocaine sur le Sahara, a répondu, lucide : «Tout président français commence son mandat en espérant améliorer les relations avec l'Algérie, fait son tour de piste et se heurte aux réalités d'une politique algérienne qui a besoin du bouc émissaire français. Et il retrouve le chemin de Rabat.» Tout président français commence son mandat en espérant améliorer les relations avec l'Algérie, fait son tour de piste et se heurte aux réalités d'une politique algérienne qui a besoin du bouc émissaire français. Et il retrouve le chemin de Rabat. https://t.co/pca8USn2MN — Gérard Araud (@GerardAraud) October 14, 2022 Le vrai chantage, c'est celui que mène Emmanuel Macron pour ménager les susceptibilités du régime algérien, impliqué de manière directe dans le dossier du Sahara. Pour agir, tous les moyens sont bons. Emmanuel Macron n'en a négligé aucun, passant avec Alger de la provocation à la complaisance, de la perfidie à la servilité, croyant arracher au régime de Tebboune la garantie d'un apaisement qui ne survient pas. Quant à Rabat, la loi d'équilibre qui régit la matière internationale est la seule qui vaille. C'est là un changement majeur. Ce n'est pas le seul. Le champ de l'action politique s'est démesurément élargi. La France n'est plus unique dans l'échiquier de la diplomatie marocaine, ce que Gérard Araud feint d'ignorer. Les cadres de la politique traditionnelle sont devenus trop étroits désormais pour l'essor de la diplomatie marocaine. Comme la France (malgré son déclin), le Maroc tient à la primauté matérielle et morale de ses intérêts. Les événements sont en train de le servir à souhait. Les principales puissances européennes soutiennent désormais, clairement, le Maroc et son plan d'autonomie, seule solution possible. Le souverain, d'ailleurs, était sans ambiguïté aucune : «Je voudrais adresser un message clair à tout le monde : le dossier du Sahara est le prisme à travers lequel le Maroc considère son environnement international», a-t-il déclaré en 2022 lors d'un discours radiotélévisé. «C'est aussi clairement et simplement l'aune qui mesure la sincérité des amitiés et l'efficacité des partenariats qu'il établit», a-t-il souligné. «S'agissant de certains pays comptant parmi nos partenaires, traditionnels ou nouveaux, dont les positions sur l'affaire du Sahara sont ambiguës, nous attendons qu'ils clarifient et revoient le fond de leur positionnement, d'une manière qui ne prête à aucune équivoque», a mis en garde le souverain chérifien. L'heure est venue d'agir pour l'avenir, et le champ est encore libre devant la France pour revoir revitaliser sa diplomatie malmenée en Afrique.