Après le tumulte des retraites, une ambiance étrange règne à l'Assemblée nationale, où d'autres textes sont votés sans difficulté mais où les députés se demandent à quoi vont ressembler les semaines qui viennent. 14 avril: les parlementaires ont tous coché dans leur agenda la date à laquelle le Conseil constitutionnel se prononcera sur la très controversée réforme des retraites, adoptée au forceps avec le recours au 49.3. En attendant, c'est la drôle de guerre au Palais Bourbon, où chaque camp prévoit « séminaire » et autres réunions la semaine prochaine pour resserrer les rangs. A gauche, l'ensemble des députés de la coalition Nupes ont rendez-vous mardi soir à l'Assemblée pour discuter stratégie et cohésion. Au programme, selon la cheffe du groupe écolo Cyrielle Chatelain, un échange sur la « continuité du combat sur les retraites ». A l'initiative des communistes, les parlementaires de gauche ont prévu dans la matinée mardi un « cortège républicain » de l'Assemblée à l'Elysée, pour demander à Emmanuel Macron le retrait des 64 ans. Pour conjurer un « étiolement de la lutte », le leader de LFI Jean-Luc Mélenchon réclame quant à lui une « grève générale » le 6 avril lors de la prochaine journée de mobilisation. Dans le camp d'en face, ce sont les députés Renaissance qui se retrouveront mercredi en « séminaire » pour « travailler ensemble sur l'agenda des réformes et la méthode de travail ». « On temporise, on calme le jeu. De toute façon, on n'est pas audible », glisse un cadre du groupe macroniste. « Il faut profiter » de la période pour « montrer que nos institutions tiennent », insiste-t-il, même s'il ne voit « pas comment on fera l'économie d'un remaniement » ministériel, après la séquence des retraites. Et dans la majorité présidentielle, les alliés MoDem et Horizons appellent à « rebondir ». « Cette législature ne va pas s'arrêter avec cette réforme des retraites », souligne Jean-Paul Mattei, le patron du groupe MoDem, qui voudrait « se recentrer sur des textes importants pour notre société », sur le « logement », par exemple. Les chefs des groupes parlementaires et des partis sont aussi censés se rendre chez Elisabeth Borne à partir de la semaine prochaine pour évoquer l'après. «Ecouter le peuple» La France Insoumise, qui réclame le retrait de la réforme, un référendum ou une dissolution de l'Assemblée, a déjà fait savoir qu'elle boycotterait cette réunion à Matignon. Les communistes en ont fait autant. « C'est à l'Elysée que tout se décide malheureusement », a commenté le secrétaire national, Fabien Roussel. Au Rassemblement national, « on ira. Mais pour demander le retrait de la réforme et d'écouter le peuple », martèle le groupe de Marine Le Pen. Malgré ce bras de fer, des textes continuent à être examinés à l'Assemblée et à être votés, parfois très largement. C'est le cas de la relance du nucléaire, adoptée par 402 voix contre 130 le 21 mars en première lecture, avec le soutien de LR, du RN et de communistes. Et de la loi sur les Jeux olympiques et son vaste volet sécurité, très confortablement validée mardi, avec l'appui de la droite et de l'extrême droite. Autant de scrutins aussitôt salués par le gouvernement, qui répète que la « co-construction » n'est pas impossible, malgré le contexte social électrique. Depuis lundi, durant une semaine transpartisane, les unanimités se sont multipliées pour des textes consensuels, comme celui sur le financement du permis de conduire. Dans une ambiance parfois décontractée, comme quand la présidente de séance et députée insoumise Caroline Fiat a salué au perchoir le départ à la retraite de « Philippe, plongeur de la buvette, qui fait son dernier jour aujourd'hui », sous les applaudissements d'élus de plusieurs bancs. Mais quid des prochaines semaines ? L'agenda parlementaire est aussi incertain que dégagé, après le report sine die du projet de loi immigration, et son saucissonnage en « plusieurs textes » à un horizon encore inconnu. « Textes plus courts », « majorité de projets »: voici le mantra des macronistes qui promettent une fois de plus une « nouvelle méthode », comme ils le faisaient en juin après les législatives, faute de majorité absolue dans l'hémicycle.