La faillite de la Silicon Valley Bank a bloqué des dizaines de milliards de dollars qu'y avaient déposés start-up et fonds de capital-investissement, au point de faire craindre une onde de choc dans tout le secteur technologique. « Le partenaire financier de l'économie de l'innovation ». Ainsi se présentait SVB, placée vendredi 10 mars sous le contrôle du régulateur américain FDIC pour éviter une implosion. « Ils connaissaient le milieu des entrepreneurs », explique Joseph DeSimone, professeur à l'université de Stanford et fondateur de plusieurs start-up. « Ils nous aidaient à recruter, (…) conseillaient les nouveaux dirigeants, (…) un vrai partenaire comme je n'en avais jamais vu auparavant », décrit-il. SVB se targuait d'avoir pour clients « près de la moitié » des entreprises technologiques et des sciences du vivant financées par des investisseurs américains. La mise en liquidation ordonnée de la banque va leur permettre de récupérer jusqu'à 250.000 dollars par client, soit le maximum garanti par la FDIC. Mais, selon le rapport annuel de SVB, la partie des dépôts non assurée se montait à environ 96% du total des 173 milliards de dollars confiés à l'établissement. La FDIC a indiqué vendredi que la restitution de ces fonds dépendrait des montants récupérés de la vente des actifs de la banque, un processus souvent long et au produit incertain. « Les vraies victimes de la chute de SVB sont les déposants: des start-up de 10 à 100 employés, qui ne peuvent plus verser de salaires, vont devoir mettre des gens au chômage technique ou licencier dès lundi », a réagi, sur Twitter, Garry Tan, PDG de Y Combinator, incubateur de jeunes sociétés. « D'ici un mois ou deux, on aura anéanti une génération de start-up américaines », a prévenu le dirigeant. « Ce sont des années d'innovation américaine qui sont en jeu ». Un « sauvetage public envisagé » ? La disparition de la banque californienne « pourrait détruire un important moteur de l'économie de long terme, car les sociétés soutenues par le capital-investissement dépendaient de SVB pour leurs prêts et leur trésorerie », a abondé l'investisseur activiste Bill Ackman, sur Twitter. Pour le financier, si aucune institution financière ne reprend la main, éventuellement en absorbant ce qui reste de Silicon Valley Bank, « un sauvetage public devrait être envisagé ». Selon plusieurs médias américains, les responsables de l'établissement ont discuté jeudi et vendredi d'un rachat avec plusieurs banques de la place, sans succès. Champ Bennett, co-fondateur de la plateforme vidéo Capsule, a révélé vendredi que les 5 millions de dollars injectés mi-février lors de la première levée de fonds de la société étaient logés chez SVB et inaccessibles. « Difficile d'imaginer la suite, mais ça ne se présente pas bien », a-t-il écrit, sur Twitter, pour dénoncer la vision selon laquelle un sauvetage de SVB reviendrait à venir au secours des « 1% » les plus riches, entrepreneurs et investisseurs fortunés, ou de « Big Tech ». Il a évoqué ses contacts, lors des dernières heures, avec des centaines de patrons de start-up. « Ils galèrent. Ce sont des gens comme vous et moi. Ils travaillent dur (…) et beaucoup ont des salaires inférieurs au marché ». Selon le site d'information Semafor, des sociétés d'investissement alternatif (hedge funds) proposent de se substituer à la banque et de verser immédiatement des fonds à des entreprises clientes de SVB. Pour ce faire, ces dernières doivent néanmoins accepter de renoncer à 20 à 40% de leurs dépôts, les hedge funds espérant récupérer tout ou partie de la différence auprès de la banque. Au-delà, Adam Arrigo, patron de la plateforme de concerts virtuels Wave, a prévenu ses congénères entrepreneurs technologiques. « Que vous ayez eu ou non de l'argent chez SVB, vous ne serez pas indemnes. Cela va sérieusement impacter tout le monde ». Comme d'autres Champ Bennett s'inquiète du sort d'autres banques prisées du secteur technologique, notamment la Californienne First Republic, dont le cours a fondu de près de 30% en deux jours. Pour certains, la défaillance de deux banques en quelques heures cette semaine, SVB mais aussi Silvergate Bank, est une leçon sur la prétendue solidité du système financier. « Pourquoi soudain plus personne ne parle du fait que les banques sont sûres et meilleures que la finance décentralisée » (DeFi), système financier alternatif appuyé sur les cryptomonnaies et la technologie dite de la blockchain, a ironisé, sur Twitter, Arjun Sethi, entrepeneur et investisseur américain. Le « DeFi » permet, en théorie, d'accéder à ses fonds à tout moment et sans intermédiaire, mais sans protection des dépôts ni supervision d'un régulateur.