Le président tunisien Kais Saied a décidé mardi le limogeage du ministre des Affaires étrangères Othman Jerandi,qui est le quatrième ministre à perdre son poste depuis le début de l'année dans un contexte politique tendu dans le pays. Ce dernier a été entaché par ses liens présumés avec le Polisario et ses rapports ambigus avec le régime algérien. La présidence a fait état, sur son site officiel, du remplacement de M. Jerandi, en fonction depuis septembre 2020, par Nabil Ammar, ambassadeur de la Tunisie auprès de l'Union européenne. Elle n'a donné aucune précision sur les raisons de cette décision qui concerne pour la première fois un ministère régalien. Depuis début janvier, M. Saied a déjà limogé trois ministres: la ministre du Commerce ainsi que les ministres de l'Agriculture et de l'Education. Ces décisions interviennent alors que la Tunisie est en proie à de profondes divisions depuis le coup de force du président Saied qui s'est arrogé tous les pouvoirs en juillet 2021, avant de réviser la Constitution un an plus tard pour revenir à un système ultra-présidentialiste similaire à celui d'avant la Révolution de 2011 et la chute du dictateur Ben Ali. Des élections législatives organisées le 17 décembre et le 29 janvier pour élire un nouveau Parlement aux prérogatives fortement limitées par la loi fondamentale se sont soldées par une abstention record de quasi 90% des inscrits. L'opposition a boycotté unanimement le scrutin pour dénoncer un processus menant, selon elle, à une « dérive autoritaire ». La grande centrale syndicale UGTT, qui avait approuvé initialement le coup de force de M. Saied, a pris ses distances et a lancé ces dernières semaines une initiative pour « un plan de sauvetage » politique et économique du pays. Outre ces tensions politiques, la Tunisie est également secouée par une crise financière à cause d'un endettement avoisinant les 80% du PIB, à l'origine, selon des experts, de pénuries récurrentes de produits de base faute d'approvisionnements suffisants. Pour donner de l'oxygène à son économie, Tunis négocie depuis des mois un accord pour un nouveau crédit du Fonds monétaire international (FMI) de 1,9 milliard d'euros en contrepartie de réformes. Les pourparlers qui avaient débouché sur un accord de principe du FMI à la mi-octobre butent, selon des experts, sur les réticences du président tunisien à lever les subventions étatiques sur certains produits de base.