Au Maroc, opposant politique n'est plus une description abusive, mais une référence détournée devenue mode, décorum, bel air, manipulée avec toute la commodité possible, sans le moindre risque. Bienvenue dans dans le pire des mondes possible. Mohammed Ziane, ancien bâtonnier de Rabat a été arrêté et incarcéré, lundi 21 novembre dans la soirée, après avoir été condamné en appel à trois ans de prison ferme. En quelques heures seulement, ce «ancien grand commis de l'Etat» est devenu un «opposant politique à abattre», grâce aux diktats d'un tribunal extra-légal sous tous ses aspects. Quand tout est confondu comme les pièces blanches et noires d'un damier à la fin d'une partie, des éclaircissements s'imposent. Ziane «opposant politique» ? l'homme, si prompt à médire les institutions nationales, a cultivé ces dernières années ce procédé menteur qui ne met en saillie que des théories absurdes centrées sur lui. Tout passe à tour de rôle dans son kaléidoscope complotiste : la monarchie, la justice, les dispositifs sécuritaires, le pays lui-même, etc. Mohamed Ziane est l'incarnation de l'ancienne garde, des gens habitués à leur bureau, à leur cigare, aux petits profits en eau trouble, aux fréquentations équivoques, aux grands avantages liés aux tentations souvent peu légitimes de l'intérêt individuel. Pourtant, l'homme, qui huma à pleins poumons l'agent de l'Etat à travers son parti pendant deux décennies, a longtemps pris ses aises avec le luxe publique, et son indépendance de parole a été toujours entière. Il possède un site, une chaîne YouTube, des pages sur les réseaux sociaux, et s'exprime sans arrêt. Un moine papelard qui devient soudain «victime» d'un procès «politique» ? Ceux qui considèrent que la seule liberté qui vaille est celle de mal parler du Maroc répondent par l'affirmative. Une petite faction, originairement bornée à une poignée de dix individus, se démène pour présenter Ziane comme un énième martyr de la liberté d'opinion. Ce ne sont pas les fiévreux emportements de l'ex-avocat qui ont poussé la justice à réagir, ni ses velléités diffamatoires, ni ses allégations sans fondement. Il a été poursuivi pour onze chefs d'accusation, dont ceux d'«outrage à des fonctionnaires publics et à la justice», «injure contre un corps constitué», «diffamation», «adultère» ou encore «harcèlement sexuel». Faut-il rappeler qu'il avait été condamné le 23 février à trois ans de prison ferme et à une amende de 5 000 dirhams ? le 21 novembre, cette peine a été seulement mise en exécution. Si la justice marocaine est franche dans ses allures, c'est parce qu'elle est libre, jamais incisive ou rancunière, comme le fondateur du Parti marocain libéral (PML), qui ruine deux décennies les veines du budget de cette formation politique. Mohamed Ziane, qui n'osait élever ses visées trop haut, frappe dans le terre-à-terre du sentiment antimarocain où repose un vieil ordre de choses. Pour comble de dérision, les avocats autoproclamés de Mohammed Ziane, trolls opérant à l'étranger, visent depuis de longues années la réputation de l'appareil sécuritaire marocain. Un détestable système de procédure qui transforme de simples justiciables en individus intouchables. Ces hostilités de commande qui pactisent avec certaines parties étrangères ont toujours échoué. Jeu de dupes : c'est là une des plus curieuses contradictions de l'esprit antimarocain : il s'accommode très bien de ses contrefaçons et de ses gesticulations, à condition que ses promoteurs feignent de ne pas s'en apercevoir.