Quelques jours avant son déplacement en Algérie, une douzaine d'organisations de la diaspora algérienne a exhorté Emmanuel Macron à «ne pas occulter », une fois à Alger, la question de la «dégradation» des droits humains dans ce pays et «à ne pas cautionner cette dérive despotique du régime algérien», dans une lettre ouverte que Barlamane.com a consultée. Une demande non seulement ignorée, mais serait trahie. La visite d'Emmanuel Macron en Algérie doit durer trois jours. Accompagné d'une délégation de plus de 90 personnes, il a abordé les sujets qui fâchent, parmi eux, celui des opposants algériens. En marge de la réunion des deux présidents, les sécuritaires des deux bords, en présence de Gérard Darmanin, le ministre français de l'intérieur, ont abordé le sujet des opposants algériens établis en France. Selon les sources de Barlamane.com, les français auraient donné leur accord pour l'extradition de quatre parmi eux dont Amir DZ et Hichem Aboud, a appris Barlamane.com de ses sources. «Monsieur le Président, vous ne pouvez cautionner [la] dérive despotique du régime algérien» : cet appel n'a pas été entendu. Amir DZ et Hicham Abboud, sacrifiés à l'autel d'une fausse réconciliation Il est à rappeler, d'abord, qu'un tribunal d'Alger a émis fin mars 2021 quatre mandats d'arrêt internationaux à l'encontre de quatre activistes établis à l'étranger, accusés notamment d'appartenir à un groupe terroriste, une des muselières qu'utilise le régime pour mater l'opposition. Les personnes visées sont Mohamed Larbi Zeitout, un ancien diplomate résidant au Royaume-Uni, Amir Boukhors, blogueur connu sous le nom d'«Amir Dz», Hichem Aboud, un journaliste et ancien officier de l'armée algérienne, et un homme dit Mohamed Abdellah. Le blogueur Amir Dz (39 ans), le journaliste Hichem Aboud (67 ans) sont poursuivis pour «adhésion à un groupe terroriste ciblant la sécurité de l'Etat et l'unité nationale, financement d'un groupe terroriste ciblant la sécurité de l'Etat et blanchiment d'argent dans le cadre d'une bande criminelle», avaient affirmé les autorités algériennes sans mentionner le nom du groupe incriminé. Installé en France, Amir DZ est l'auteur de très nombreuses vidéos hostiles notamment au pouvoir en place à Alger. Quant à Hichem Aboud, il est décrit comme un ancien membre des services secrets algériens. Il a été condamné en février 2021 à sept ans de prison par contumace. Il a fui l'Algérie via la Tunisie en août 2013 alors qu'il était sous le coup d'une interdiction de sortie du territoire national. Il vit désormais en France. Les deux ont un point en commun : ils sont très prolifiques sur les réseaux sociaux, surtout depuis le début du Hirak. Le régime algérien réclame Amir DZ afin qu'il exécute une soi-disant peine de trois ans de prison prononcée fin 2018 à son encontre pour «extorsion de fonds», «chantage» et «diffamation à travers les réseaux sociaux». Des accusations sans fondement. Suivi par quelque 590 000 internautes sur Youtube et avec 668 000 abonnés à sa page Facebook, Amir DZ a été accusé de chantage visant des personnalités algériennes, une imputation qui n'a aucune base, étant donné que seules ses critiques envers le régime lui causent des ennuis. Hichem Aboud, qui fait l'objet d'un mandat d'arrêt international, est pourchassé depuis qu'il a diffusé des informations confidentielles sur la famille de Khaled Nezzar, un des sanguinaires du régime durant la guerre civile (1992-2002). Lors d'une récente sortie télévisée, le président Tebboune avait sévèrement critiqué ses compatriotes opposants qui s'activent sur les réseaux sociaux à l'étranger, leur promettant qu'ils paieraient un jour leur activisme. L'opposition algérienne confrontée à la cupidité du gouvernement français Treize organisations – dont Debout l'Algérie, Action citoyenne pour l'Algérie, Groupe Algérie Droit Devant, le Collectif des Familles de disparus en Algérie ou la Coordination des Algériens du monde – ont envoyé ces derniers jours à Emmanuel Macron une lettre ouverte pour que ce dernier aborde les droits humains avec son hôte qui a durement réprimé le Hirak. «Monsieur le Président, il est néanmoins un sujet grave qui ne doit pas être occulté lors de cette visite: celui de l'état actuel des droits humains en Algérie», a-t-on mentionné. «Près de dix mille arrestations suivies d'au moins un millier de détentions provisoires abusives en violation du Code pénal sont à l'actif de ce régime depuis le début» des manifestations prodémocratie du Hirak (déclenché en février 2019) qui ont secoué le pouvoir, déplorent ces organisations. «La réponse des autorités algériennes aux aspirations populaires a été une politique répressive inédite par sa stratégie de la terreur pour réduire au silence les populations en situation de rupture avec les tenants du système politique en place», dit la lettre. «Toutes les formes d'expression en dehors de la ligne du pouvoir sont systématiquement réprimées», dénoncent les organisations signataires, lesquelles pointent que la «diaspora algérienne n'est pas épargnée en raison de son implication et de son soutien massif et continu au mouvement populaire», soulignant que les «Algériens en France mais également les Franco-Algériens craignent des mesures de rétorsion dans leurs déplacements en Algérie et se trouvent ainsi limités dans leur liberté de circulation». «Nous, organisations de la diaspora, fortement inquiètes de cette évolution très autoritaire du système politique algérien, avons le devoir de vous exprimer notre profonde préoccupation sur cette situation dangereuse des libertés fondamentales en Algérie sous le régime actuel», ajoutent-elles. Une visite aux résultats terribles pour l'opposition déjà affaiblie Paris et Alger espèrent tourner la page d'une série de tensions qui ont culminé avec le rappel de l'ambassadeur français après des propos du président français sur le système «politico-militaire» algérien et la nation algérienne. Il apparaît, désormais, que la France soutient l'action répressive de la justice algérienne qui a réussi à empêcher le Hirak de mobiliser des milliers d'Algériens dans les rues contre le régime. Ce dernier continue de cibler opposants politiques, militants, journalistes et internautes, multipliant poursuites judiciaires acharnées et condamnations iniques. Durant les dernières mobilisations du Hirak ont été déployées des banderoles mettant en cause la France et le président Emmanuel Macron, accusés de soutenir un président algérien «illégitime» aux yeux des manifestants, ainsi que des affiches exhortant à boycotter les produits français. Des observateurs estiment que Paris ferait tout pour s'assurer le gaz algérien, consolider sa position dans son ancienne colonie, mais aussi compter sur Alger afin de reconquérir son influence au Sahel, particulièrement au Mali d'où les français ont été chassés d'une manière humiliante par les nouveaux maîtres de Bamako.