Le ministre de l'Equipement et de l'Eau, M. Nizar Barak, a mis en avant, mercredi au 9-ème Forum Mondial de l'Eau, qui se tient à Dakar, l'importance de l'Hydro-diplomatie déterminée pour une bonne gestion de l'eau, devenue source de conflits dans certains pays. L'Hydrodiplomatie "constitue un outil d'anticipation au service de la paix et ce à travers la simulation de l'espace interpays en un espace hydraulique commun où l'eau constitue un pont de paix, de fraternité et de solidarité", a dit le ministre qui intervenait aux travaux du Side Event consacré à la paix des bassins à travers une hydro-diplomatie optimiste et résiliente avec le climat, organisé dans le cadre du programme de la 9-ème édiction du Forum mondial de l'Eau qui se tient au Sénégal du 21 au 26 mars, sous le thème "Sécurité de l'eau pour la paix et le développement. M. Baraka, qui préside le Réseau International des Organismes de Bassins (RIOB), a expliqué que l'Hydro-diplomatie permet de faciliter l'évaluation et le suivi des ressources en eau entre techniciens, de faciliter l'appréciation du risque du changement climatique et peut aider à la mise en place d'un plan d'adaptation, ainsi que d'éviter la militarisation des conflits liés à l'eau notamment par la mise en place de conventions Win-Win. L'Hydro-diplomatie trouve pleinement sa notoriété en se basant entre autres sur les conventions des Nations Unies et sa Résolution 63/124 qui "encourage les Etats concernés à prendre des dispositions bilatérales ou régionales appropriées pour la bonne gestion de leurs aquifères transfrontaliers (...)", a fait noter le ministre, qui conduit une importante délégation à ce forum mondial, composée de responsables et d'experts représentant divers organismes. Dans son intervention, le ministre a souligné que l'eau est une ressource vitale qui a toujours été à l'origine du fondement des civilisations, relevant que les conditions de vie et les revenus des populations surtout en milieu rural dépendent directement de la disponibilité de cette denrée. Le ministre a cité quelques chiffres qui montrent l'importance des eaux partagées. En effet, dit-il, l'eau compte parmi les ressources les plus «partagées» au monde. 46 % de la surface des continents sont dans des bassins fluviaux et des lacs partagés, plus de 260 bassins-versants sont partagés entre deux ou plusieurs pays et environ 40 % de la population mondiale vit dans les bassins de rivières ou de lacs partagés entre Etats, a indiqué le responsable marocain. Au niveau mondial, environ 2 milliard de personnes dépendent des eaux souterraines dont 300 aquifères sont transfrontaliers. Comme le note le rapport du Programme des Nations Unies pour le Développement de 2006, la gestion de cette interdépendance hydrologique est «l'un des plus grands défis du développement humain auquel fait face la communauté internationale», a-t-il précisé. Le ministre a poursuivi que l'accès aux ressources en eau transfrontalière est toujours une source potentielle de conflits entre les pays de l'amont et ceux de l'aval, relevant que ces tensions sont d'autant plus vives, voire explosives dans les régions où la ressource est rare et qui risquent encore d'être aggravées par le changement climatique. "C'est le cas partout dans le monde, en Europe, En Afrique et encore plus au Moyen Orient", a fait observer M. Baraka lors de cette rencontre. "Notre continent africain n'est pas épargné par cet enjeu du partage des bassins et des ressources en eau entre plusieurs Etats, les illustrations sont assez nombreuses qu'on ne puisse pas les évoquer toutes aujourd'hui". Il s'agit notamment du fleuve Sénégal qui est long de 1 800 km et son bassin s'étend sur une superficie d'environ 300 000 km2 que se partagent la Guinée, le Mali, la Mauritanie et le Sénégal, a dit le ministre. Il a dans ce cadre souligné que l'hydro-diplomatie a permis la mise en place d'une gestion commune de ce fleuve entre les Etats signataires, indiquant que ce mode est souvent cité comme modèle. Le bassin versant du fleuve Congo est le premier d'Afrique et le deuxième du monde en superficie d'environ 3.800 000 km2 et qui s'étend sur dix pays de l'Afrique centrale : L'Angola, le Burundi, le Cameroun, la Centrafrique, le Congo, le Gabon, la République Démocratique du Congo, le Rwanda, la Tanzanie et la Zambie. Les affluents principaux du Congo sont l'Oubangui, la Sangha et le Kasaï. La Volta est un fleuve de 1.850 km de long avec un bassin de 400.000 km2, qui s'étend sur six pays de l'Afrique de l'ouest : le Bénin, le Burkina-Faso, la Côte d'Ivoire, le Ghana, le Mali et le Togo. De l'avis du ministre, "cette multitude d'intervenants nécessite la définition des modes de gestion les plus appropriées à ces bassins". Il a fait noter également que ce partage des eaux concerne aussi l'eau souterraine, l'exemple de l'aquifère Nubien est marquant. En effet, cet aquifère est l'un des aquifères les importants du monde, et il est partagé entre deux pays situés dans la région MENA connue par un stress hydrique important, souligne-t-il. Le ministre a estimé que "dans un tel contexte climatique et politique, une bonne communication par l'établissement d'un mode de gestion adéquat permettant la conservation des droits de chaque pays de cette ressource, la diplomatie étant un moyen effectif pour résoudre cette problématique qui s'avère parfois trop complexe". Evoquant, par ailleurs, le cas du Maroc, le ministre a indiqué que les ressources en eau sont quasi-renouvelables et prennent naissance à l'intérieur du pays, et les échanges aux frontières sont négligeables. "Le Maroc, pays de paix et de tolérance milite pour une hydro-diplomatie anticipative et partagée pour asseoir une gestion commune de cette denrée rare entre les frères de notre continent Africain et l'organisation par la Maroc du 1er Forum Mondial de l'Eau en mars 1997 à Marrakech en est le témoin ainsi que l'institution du Grand Prix Mondial Hassan II de l'Eau", a-t-il affirmé lors de cette rencontre. Il a relevé que l'attribution du Grand Prix Mondial Hassan II de l'Eau dans sa 7-ème édition à l'occasion du 9ème Forum Mondial de l'Eau à l'Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal (OMVS), basée à Dakar, "en est la preuve jaillissante", précisant que "cette institution agit non seulement en faveur de la concrétisation de la sécurité hydrique et alimentaire du grand bassin transfrontalier, mais promeut également la paix, la prospérité et le développement territorial de ses pays membres". Cette rencontre a été marquée par les interventions d'experts étrangers qui ont été unanimes à souligner dans leurs exposés l'importance du concept de l'Hydro-diplomatie dans la gestion des conflits liés à la gestion de l'eau.