Seïf al-Islam 49 ans, barbe poivre et sel et portant des lunettes de vue, est réapparu à la surprise générale et alors qu'on ignorait où il se trouvait ces dernières années. Le fils de l'ex-dictateur Mouammar Kadhafi, Seif Al-Islam, a été le premier poids lourd de la vie politique libyenne à déposer sa candidature dimanche à la présidentielle prévue fin décembre, alors qu'il est recherché par la Cour pénale internationale pour «crimes contre l'humanité». À la surprise générale et alors qu'on ignorait où il se trouvait ces dernières années, Seïf al-Islam, 49 ans, barbe poivre et sel et portant des lunettes de vue, s'est présenté à l'antenne de la commission électorale à Sebha (sud), l'un des trois centres autorisés, avec Tripoli (ouest) et Benghazi (Est), selon des images relayées par les médias locaux. Enveloppé dans une abaya marron et turban de la même couleur noué sur la tête à la façon bédouine comme le faisait son père, il a signé les documents, assisté de son avocat. Il a ensuite prononcé des versets du Coran puis conclu par la formule «Que Dieu vous bénisse», à l'adresse du personnel de la Haute commission électorale (HNEC). «Le candidat Seïf al-Islam Mouammar Kadhafi a soumis les documents de sa candidature au bureau de la HNEC à Sebha complétant ainsi toutes les conditions juridiques requises par la loi n°1 relative à l'élection du chef de l'Etat», a annoncé la HNEC dans un communiqué. Il s'est également fait délivrer sa carte d'électeur. Fin juillet, Seïf al-Islam avait évoqué lors d'un entretien au New York Times son possible retour sur la scène politique. Condamné à mort puis libéré Aboutissement d'un processus politique laborieux parrainé par l'ONU, la présidentielle du 24 décembre et le scrutin législatif prévu un mois plus tard sont censés tourner la page d'une décennie de chaos depuis la chute du régime de Mouammar Kadhafi, tué en 2011 lors d'une révolte populaire, et mettre fin aux luttes fratricides. Capturé en novembre 2011 par un groupe armé à Zenten dans le nord-ouest de la Libye, il avait été condamné à mort en 2015 à l'issue d'un procès expéditif. Le groupe le détenant avait néanmoins refusé de le livrer aux autorités ou à la Cour pénale internationale (CPI), qui le recherche depuis 2011 pour des accusations de «crimes contre l'humanité». Le groupe l'avait libéré en 2017 et ses traces avaient été perdues. «La situation de Seïf al-Islam à la CPI n'a pas changé. D'après la notice publiée en 2011, il est toujours recherché», a déclaré Fadi Abdallah, un porte-parole de la CPI à la chaîne Libya al-Ahrar. Pour la communauté internationale, la tenue des élections est essentielle pour pacifier le pays, qui compte les réserves pétrolières les plus abondantes d'Afrique. La présidentielle – la première de l'histoire du pays – et les législatives restent néanmoins très incertaines sur fond de regain de tensions entre les camps rivaux, installés dans l'Ouest et dans l'Est, à l'approche de l'échéance. Après la candidature confirmée de Seif al-Islam, de nombreuses interrogations subsistent autour de celles du maréchal Khalifa Haftar, l'homme fort de l'est libyen, et du Premier ministre, Abdelhamid Dbeibah. Le maréchal Haftar a suspendu ses fonctions militaires – procédure indispensable – trois mois avant la date du scrutin mais n'a pas encore déposé sa candidature. «Compliquer le processus» Pour Wolfram Lacher, expert sur la Libye de l'institut allemand SWP, la candidature de Seif Al-Islam «déposée en dépit des mandats d'arrêt de la CPI (…) ne va faire que compliquer encore plus le processus électoral». Celui-ci est déjà fortement contesté en raison de la loi électorale pour la présidentielle qui ne définit pas clairement les attributions du futur président et n'a pas été votée par le Parlement, mais directement ratifiée par son chef Aguila Saleh, un proche du maréchal Haftar. Tarek Megrisi, analyste au Conseil européen des relations internationales a déploré dans un tweet qu'en vertu de cette loi électorale controversée, les Libyens devront «choisir un président aux pouvoirs illimités et sans obligations». Qui plus est, leur choix devra se faire «entre leur ancien agresseur, l'homme qui a commis des crimes de guerre pour prendre le pouvoir et un homme connu pour sa corruption obscène», a déploré sans donner de noms, M. Megrisi.