Ali Bensaad, professeur à l'Institut français de géopolitique de l'université Paris 8, a déclaré à RFI que le régime algérien est isolé, quelques heures après qu'Alger eut décidé de ne plus utiliser le pipeline qui transite chez le Maroc, avec lequel les relations diplomatiques sont rompues depuis fin août. Le président français a accusé le système «politico-militaire» d'entretenir une «rente mémorielle» et a questionné l'existence d'une «nation algérienne» avant la colonisation. Pour le géopolitologue Ali Bensaad, «le régime est très isolé à l'intérieur et la question mémorielle n'a plus aucune efficacité auprès de l'opinion publique. le Hirak s'est réapproprié ces éléments mémoriels, mais pour remettre en cause ce régime». Des propos accordés à Radio France internationale (RFI, radio publique). L'analyste affirme que «le régime algérien est arrivé à une fin de cycle et tout ce qu'il peut essayer de mobiliser comme éléments de légitimation, non seulement n'est plus efficace, mais se retourne contre lui.» «Je rappelle que le Hirak, justement, s'est réapproprié ces éléments mémoriels, mais pour remettre en cause ce régime, pour lui dénier toute filiation et toute tentative de se légitimer par le mouvement de libération national. Et c'est devenu même une sorte de leitmotiv de chanter "Martyrs revenez... Voilà ce qu'est devenu le pouvoir algérien...". C'est qu'en fait, la force de contestation et la faiblesse du régime sont telles, que tout élément que ce régime cherchera à mobiliser se retournera contre lui, y compris l'élément mémoriel» a-t-il affirmé. Fin août, l'Algérie a rompu ses relations diplomatiques avec le Maroc en raison d'«actions hostiles» du royaume, une décision «complètement injustifiée» et regrettée par Rabat. Le 22 septembre, Alger a enfoncé le clou en décrétant la fermeture «immédiate» de son espace aérien à tous les avions marocains. Mais pour beaucoup, ces décisions reflètent le désarroi actuel du régime algérien. «Je pense qu'il y a une réalité (...) Cette crise de régime, l'absence de renouvellement, la corruption montante ont affecté, y compris les appareils diplomatiques et sécuritaires dans leur efficacité. Et le résultat en est, en fait, une perte d'influence indéniable de l'Algérie, une dilution de sa puissance et de son influence dans ces régions-là. Au contraire du Maroc, qui regagne. D'abord, il est revenu à l'Union africaine triomphalement... Puis le Maroc se fonde aussi sur un travail par le bas, et notamment sur ses acteurs économiques, au contraire de l'Algérie, qui n'est jamais sortie d'une économie administrée» a-t-il indiqué. «Le rapport de force s'est déjà fondamentalement inversé entre l'Algérie et le Maroc, au profit de ce dernier. Cela donne une certaine hubris à la diplomatie marocaine. C'est pour cela qu'elle se permet de faire un bras de fer avec l'Espagne, avec l'Allemagne, autour de la question du Sahara, parce qu'elle a réussi à ré-inverser ce rapport de force. C'est ce qui pousse encore plus dans une fuite en avant le régime algérien» a-t-il mentionné.