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Pierre Vermeren : le Maroc «a marqué beaucoup de points sur le plan diplomatique et s'est renforcé sur la scène internationale» contrairement à l'Algérie
Alger instrumentalise dans les moments de graves crises la menace supposée que représente le Maroc, pour contraindre ses opposants ainsi que la population au silence. Discrédité par son incapacité à faire face à la pandémie de Covid-19 comme à la furie des incendies ravageant la Kabylie ou encore la crise économique qui ravage le pays, le régime algérien sombre dans le complotisme niais à l'égard du Maroc. Pour Pierre Vermeren, qui a accordé un entretien à France 24, «la signature des accords d'Abraham à l'hiver 2020 a très certainement contribué à mettre le feu aux poudres. Cet accord multilatéral signé par le Maroc, les Etats-Unis, Israël et les monarchies du Golfe a eu pour conséquence la reconnaissance, par Washington, de la marocanité du Sahara. Pour l'Algérie, c'est clairement un casus belli. D'autant plus que, ces dernières années, le Maroc a marqué beaucoup de points sur le plan diplomatique et s'est renforcé sur la scène internationale pendant que l'Algérie, elle, restait à l'écart. Et cela a été très mal vécu». Pour M. Vermeren, la situation intérieure en Algérie a joué un rôle dans cette escalade de tensions ? «Bien sûr. L'Algérie vit actuellement dans une période de transition. Le gouvernement est plein d'incertitudes face au Hirak, ce mouvement de contestation né en février 2019, dont il est difficile d'apprécier l'avenir après le long sommeil de la Covid-19». «En rompant ses relations avec le Maroc, Alger tire sur de vieilles ficelles nationalistes. Il trouve un bouc émissaire qui lui permet de détourner les regards et de désigner à toute la population un ennemi commun, extérieur» a-t-il ajouté. Pour le politologue français, qui exclut tout regain militaire des tensions, «la seule conséquence notable de ce regain de tensions concerne les échanges énergétiques, et plus précisément le gazoduc Maghreb-Europe. Depuis 1996, il relie des gisements algériens du Sahara à l'Europe via le Maroc. Mais le contrat qui lie les deux voisins arrive bientôt à expiration.» Pour lui, «même si l'Algérie ne l'a pas annoncé officiellement, elle a à plusieurs reprises évoquer de contourner le Maroc pour acheminer son gaz. Cela mettrait ainsi fin à l'un des seuls partenariats économiques notables entre les deux Etats.» Il regrette que «l'Algérie pousse de plus en plus le Maroc à renoncer au Maghreb et à trouver des solutions plus loin : en Afrique, en Russie, en Chine et au Moyen-Orient.» Quid de la réaction de Paris ? «Pour la France, c'est très compliqué. Le Maghreb est la zone où elle est la plus influente en dehors de l'Europe, et là, elle voit la région se fracturer sous ses yeux. Mais elle est dans l'impasse : elle est obligée de constamment composer avec les deux puissances car elle ne peut pas se permettre de se brouiller avec l'une ou l'autre.»