Le Conseil national du Parti de la justice et du développement (PJD) a annoncé, dimanche, la tenue fin octobre prochain du congrès national extraordinaire du parti. Si le pays avait manifesté ses vœux, ses sentiments, ses intimes aspirations avec une irrésistible évidence le 8 septembre, force est de reconnaître que PJD s'enfonce dans le déni. C'est un conseil national qui a vu se défiler des hommes dupes de la plus étrange des convictions, aveuglément occupés à gaspiller une situation, à ruiner un avenir, la réputation des institutions, en ajoutant les fautes aux fautes, les inconséquences aux inconséquences : «La défaite du PJD symbolise une régression de la démocratie marocaine et de ses acquis» a déclaré le PJD. Il est certain qu'on a rarement vu un parti laisser plus bénévolement échapper toutes les occasions de rentrer dans la vérité d'une déculottée politique infligée par la peuple, pour se perdre plus que jamais, avec un véritable acharnement de surenchère, dans toutes les maladresses, dans les petites tactiques, dans les plus vulgaires expédients de parti. Il y a dans les régions officielles du PJD une sorte de fanatisme aveugle qui rabaisse tout, qui empêche de voir la réalité des choses et n'a plus même l'excuse de la déception. Le vote populaire du 8 septembre demandait tout simplement une politique laissant de côté les vaines querelles, les chicanes de parti pour s'occuper désormais de rétablir l'ordre dans les finances, dans l'administration, dans les affaires publiques. C'était le programme tracé instinctivement. Cette impuissance turbulente et confuse se débat aujourd'hui le PJD, sans prévoyance et sans direction, est signe d'un parti malade déterminé à tout souiller, au point de parler de «corruption électorale» et de «volonté de saper la cartographie politique du pays». Nouvelle direction, nouvelle ligne ? Outre la date du congrès, fixée pour fin octobre le conseil national a nommé un comité de direction, dont la présidence a été confiée à Jamaâ Mouâtassim, aux côtés de Abdelaziz El Omari, Abdelhak Larbi et Nabil Chikhi, afin d'élire une nouvelle direction chargée de gérer la prochaine étape et de préparer le Congrès national ordinaire du parti, a précisé le Conseil dans un communiqué sanctionnant les travaux d'une session extraordinaire du parti tenue samedi par visioconférence. Une atmosphère factice, des réunions plénières, des intrigues de couloirs, les élus de la veille du PJD n'acceptent pas que leur parti se soit effondré aux législatives, passant de 125 sièges à 13 sur un total de 395, et de 5 021 élus à 777 aux communales et de 174 sièges à 18 aux régionales contre 174. La ligne dure du parti n'a rien négligé pour imposer bruyamment sa domination en intimidant les indécis de condamner l'esprit du scrutin du 8 septembre. Le secrétariat général passe son temps à louvoyer, à se donner une apparence de maintien, à flotter entre tous les opinions, et, en définitive, à plier aux premières injonctions de ceux qui insultent le parcours démocratique marocain. Il est grand temps que le PJD se dégage des petitesses de parti et accepter la responsabilité d'un acte de prévoyance et assumer sa défaite. La déguiser sous toute sorte d'euphémismes, c'est ne sauver rien, ne réussir à rien. C'est se placer en dehors du courant populaire, en interprétant les manifestations du suffrage universel de manière erronée. Le PJD est passé de mode peut-être, et ces dernières élections générales elles-mêmes ne sont nécessairement que l'expression d'un mécontentement persistant. 50 nuances d'aigreur Les déclarations des membres du PJD donnent l'impression que ce parti n'est plus qu'une minorité déçue, aigrie par la défaite, peut-être divisée désormais et impuissante. Ceux qui sont invariables dans leur fidélité à Abdel-ilah Benkiran veulent son retour. La situation du PJD ne laisse pas d'être compliquée, et il pourrait bien y avoir, un jour ou l'autre, de l'imprévu. De toute façon, en dehors même des échauffourées verbales, le fait significatif des élections du 8 septembre est d'avoir démontré la crise redoutable du PJD. Jusqu'ici, chose à remarquer, il avait la ressource d'accuser toujours les éléments extérieurs. Aujourd'hui, le PJD peut avoir ses misères, son organisation, ses ramifications, ses directions n'échappent pas à la défiance la plus ombrageuse. Il n'y a pas à s'y tromper, c'est une lutte engagée où il s'agit de la survie de ce parti, et peut-être de son avenir politique. Ce serait sans aucun doute juger trop légèrement les choses que de voir dans les derniers remous de ses composantes une simple conséquence électorale. Le courant qui a hâte d'inaugurer une politique nouvelle, à la fois intérieure et extérieure, est toujours isolé. La première génération du parti ne peut sûrement accepter sans faire les plus sérieuses réserves. À quoi tiennent souvent les affaires des partis ? À ces jeux du destin qui font passer les hommes comme des ombres sur la scène. Le congrès national approche. Que diront les dirigeants du PJD pour expliquer la banqueroute politique dont on ne manquera pas de leur imputer la responsabilité ? C'est bien la question qu'ils pressentent, et la réponse à y faire les embarrasse : aussi ont-ils livré, ce week-end, des assauts désespérés pour essayer d'accréditer la thèse d'un jeu électoral truqué. Rien ne sert de courir, dit le fabuliste ; il faut, ou plutôt il aurait fallu partir à temps. Mais l'histoire malheureuse du PJD est l'histoire d'un partis qui ne réfléchit pas par lui-même : qui conduit ses membres avec des mots et vers des apparences. Le mirage les attire. Mais leur défaite le 8 septembre n'en était pas un.