Le chef de l'Etat s'est engagé à «accueillir en France les personnels civils afghans qui ont travaillé» pour la France, tout en annonçant «une réponse robuste» aux «flux migratoires irréguliers». Alors que les talibans ont pris le pouvoir en Afghanistan, les chefs d'Etat partagent publiquement leur inquiétude quant à l'avenir de ce pays d'Asie centrale. «L'Afghanistan ne doit pas redevenir le sanctuaire du terrorisme qu'il a été, a réagi Emmanuel Macron lundi 16 août, lors d'une allocution télévisée à la suite d'un conseil de défense consacré à la prise de pouvoir des talibans sur Kaboul. C'est un enjeu pour la paix et la stabilité internationale, contre un ennemi commun, le terrorisme et ceux qui le soutiennent ; à cet égard, nous ferons tout pour que la Russie, les Etats-Unis et l'Europe puissent efficacement coopérer, car nos intérêts sont les mêmes.» Le chef de l'Etat a ajouté vouloir porter une initiative européenne visant à «anticiper» et «protéger contre des flux migratoires irréguliers importants» qui «nourrissent les trafics de toute nature», appelant à «la solidarité dans l'effort, l'harmonisation des critères de protection et la mise en place de coopérations avec les pays de transit, comme le Pakistan, la Turquie ou l'Iran». Il a confirmé que «deux avions militaires et nos forces spéciales» arriveraient «dans les prochaines heures» à l'aéroport de Kaboul pour prendre en charge ces personnes et les ressortissants français encore présents dans la capitale afghane et qui «doivent tous quitter le pays». La France fera «le maximum pour mettre en protection des personnalités [afghanes] qui ont défendu les droits de l'homme – des journalistes, des artistes..., tous ceux qui sont engagés pour ces valeurs que nous continuons de défendre partout dans le monde», avait précisé plus tôt dans la journée la ministre des armées, Florence Parly, sur Franceinfo. Lundi matin, la France a lancé l'opération d'évacuation de ses derniers ressortissants – dont des diplomates, des humanitaires et des journalistes – vers la base aérienne française d'Al Dhafra, à Abou Dhabi. Le Conseil de sécurité appelle à la fin des violences et à combattre le terrorisme Après une réunion au siège de l'Organisation des Nations unies (ONU), à New York, le Conseil de sécurité des Nations Unies a lui aussi insisté sur «l'importance de la lutte contre le terrorisme en Afghanistan, pour s'assurer que le territoire afghan ne soit pas utilisé pour menacer ou attaquer quelque pays que ce soit, et que ni les talibans ni aucun autre groupe ou individu afghan ne soutiennent des terroristes opérant sur le territoire d'un autre pays». La déclaration conjointe appelle «à la fin immédiate de toutes les hostilités et à la mise en place, par le biais de négociations élargies, d'un nouveau gouvernement uni et représentatif, incluant notamment la participation pleine, entière et significative des femmes». Lundi après-midi, Emmanuel Macron s'était également entretenu avec la chancelière allemande, Angela Merkel, et le premier ministre britannique, Boris Johnson, afin de déterminer une position commune. Avant l'allocution du président français, la chancelière allemande a déploré, lors d'une conférence de presse à Berlin, que l'intervention occidentale en Afghanistan n'ait pas été aussi «fructueuse» qu'espéré. Et de préciser : «Il est désormais acquis qu'Al-Qaida ne peut plus mener d'attaques contre les Etats-Unis depuis l'Afghanistan, comme ils l'ont fait le 11 septembre 2001, mais tout ce qui a suivi (...) n'a pas été réalisé comme nous l'avions prévu.» La chancelière avait auparavant évoqué devant des cadres de son parti des raisons «de politique intérieure» pour le retrait américain. Pour sa part, l'ancien ministre des affaires étrangères allemand au moment du déploiement des troupes de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN), Joschka Fischer, avait également étrillé la décision américaine de se retirer d'Afghanistan. «Une erreur», selon lui. «Nous en voyons les conséquences aujourd'hui», a-t-il déploré. L'amertume en Allemagne est d'autant plus grande, qu'elle fut le deuxième pays contributeur en troupes étrangères en Afghanistan au cours des vingt dernières années, derrière les Etats-Unis, avec environ 150 000 hommes déployés. Face à cette vague de critiques jamais vues depuis l'élection américaine, en novembre, le président des Etats-Unis, Joe Biden, est resté muet depuis la prise de contrôle des talibans. Il devait s'exprimer lundi à 21 h 45 lors d'une allocution très attendue. Le 10 août, M. Biden avait assuré qu'il ne «regrettait pas» sa décision de retirer le 31 août les derniers soldats américains du pays. Une réunion prévue entre ministres européens Pour sa part, Boris Johnson a appelé lundi soir les dirigeants du G7 à organiser une rencontre virtuelle «dans les prochains» jours, insistant sur « la nécessité pour la communauté internationale (...) d'adopter une approche unifiée sur l'Afghanistan, à la fois en termes de reconnaissance de tout futur gouvernement et en œuvrant à empêcher une crise humanitaire ». Cette proposition survient alors que les ministres européens des affaires étrangères ont déjà prévu de se retrouver mardi, lors d'une réunion par visioconférence, a annoncé Josep Borrell, le chef de la diplomatie de l'Union européenne (UE), lundi sur Twitter. «L'Afghanistan se trouve à la croisée des chemins. La sécurité et le bien-être de ses citoyens, tout comme la sécurité internationale, sont en jeu», a-t-il ajouté. Selon des diplomates, des responsables de la Commission européenne ont demandé aux gouvernements des Vingt-Sept d'accorder des visas aux ressortissants afghans ayant travaillé pour la représentation de l'UE en Afghanistan, ainsi qu'à leurs familles, soit un total estimé à quelque 500 ou 600 personnes. L'exécutif européen n'a pas autorité pour délivrer lui-même de visas. Plusieurs sources diplomatiques ont assuré en fin d'après-midi lundi que les Etats membres s'étaient déjà engagés à fournir suffisamment de visas pour les employés de la Commission – y compris les ressortissants afghans – et leurs familles. Le défi est désormais de parvenir à les faire sortir du pays, alors que l'aéroport de Kaboul était lundi le théâtre de scènes de chaos total, des milliers d'Afghans s'y pressant pour chercher désespérément à prendre un vol. Vingt ans après en avoir été chassé par une coalition menée par les Etats-Unis en raison de son refus de livrer le chef d'Al-Qaida, Oussama Ben Laden, dans la foulée des attentats du 11 septembre 2001, le mouvement islamiste radical s'apprête à revenir au pouvoir. En dix jours, les talibans, qui avaient lancé leur offensive en mai à la faveur du début du retrait final des troupes étrangères, notamment américaines, ont pris le contrôle de presque tout le pays. La débâcle est totale pour les forces de sécurité afghanes, pourtant financées pendant vingt ans par centaines de milliards de dollars par les Etats-Unis.