Les images du chaos à l'aéroport de Kaboul et des talibans patrouillant les rues de la capitale afghane sidèrent le monde, mais le président des Etats-Unis, réellement ébranlé pour la première fois depuis son élection, se tait. Lundi, tandis que se réveille Washington, son agenda ne prévoit aucun événement public pour Joe Biden, depuis vendredi à Camp David, lieu de villégiature des présidents américains. Son conseiller à la sécurité nationale Jake Sullivan promet toutefois, sur la chaîne de télévision ABC, que les Américains auront «bientôt» des nouvelles de leur président. Alors que tous les médias américains, y compris ceux qui avaient accueilli avec soulagement son élection, parlent de «désatre» (CNN) ou d'un Joe Biden «sur la défensive» (Washington Post). «Que l'on trouve cela juste ou injuste, l'histoire retiendra que Joe Biden est celui qui a présidé à la conclusion humiliante de l'expérience américaine en Afghanistan» après vingt années de guerre, assène le New York Times. Face à cette vague de critiques jamais vues depuis l'élection, la Maison Blanche de Joe Biden, cette machine bien huilée, semble tétanisée. En témoignent les tweets diffusés pendant le week-end, alors que l'Amérique suit heure par heure la chute de Kaboul, et que l'image des hélicoptères quittant l'ambassade rappelle les dernières images de la guerre du Vietnam. Sur un cliché diffusé dimanche sur Twitter, Joe Biden est seul à une immense table de réunion de Camp David. En polo bleu foncé, il fait face à un écran de visioconférence et à plusieurs horloges murales réglées sur divers fuseaux horaires, recevant «des mises à jour» sur l'Afghanistan de la part de hauts responsables. Et le mutisme du président démocrate face à la détresse de nombreux civils afghans tranche avec l'image d'homme compatissant qu'il cultive d'ordinaire. L'opposition républicaine, jusqu'ici bien embarrassée puisque l'opinion publique américaine était majoritairement favorable au retrait des troupes, s'est engouffrée dans la brèche face au spectre d'une humiliation internationale de cette armée dont les Américains sont si fiers. L'ancien président Donald Trump ne s'y est pas trompé, lui qui avait pourtant décidé le retrait final des troupes américaines, dès le 1er mai 2021, échéance repoussée au 31 août par Joe Biden. Le dirigeant du parti conservateur allemand d'Angela Merkel et candidat à sa succession à la chancellerie, Armin Laschet, a qualifié lundi le retrait d'Afghanistan des troupes occidentales de «plus grosse débâcle (…) de l'Otan depuis sa création». La France de son côté s'apprête à évacuer ses derniers ressortissants d'Afghanistan, alors qu'Emmanuel Macron devait s'exprimer en public à 20H00 pour détailler sa stratégie face à cette crise. Depuis le fort de Brégançon, à Bormes-les-Mimosas (Var), où il est en vacances, le chef de l'Etat a fait le point de la situation à la mi-journée au cours d'un Conseil de défense en visioconférence avec les principaux responsables concernés, comme les ministres des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian et des Armées Florence Parly.