Le président algérien Abdelmadjid Tebboune a été accusé de mentir, dimanche soir lors d'une rencontre avec deux représentants de la presse écrite algérienne. Plus d'une heure durant, le 8 août, Abdelmadjid Tebboune a répondu aux questions de deux représentants de l'Etablissement public de télévision (EPTV). Filmée, la rencontre a été multidiffusée par les chaînes algériennes et dénoncée comme contenant une mêlée d'insinuations, d'alarmes injustifiées, de vaines évidences, de mensonges, d'absurdités de toute espèce. «Vos paroles paraissent si usées et si rebattues, et vous affublez jusqu'ici bien de désagréables réalités avec de certains oripeaux. Le temps ne serait-il pas venu où le citoyen algérien consciencieux ne permettrait plus la fausse monnaie ?» s'est emportée la chanteuse Zakia Mohamed dans une vidéo largement diffusée le 9 août. Les hôpitaux algériens lancent des appels à l'aide quotidiens en raison de l'épuisement des réserves d'oxygène. Beaucoup de malades meurent devant les hôpitaux de la capitale et les régions environnantes faute de lits et d'oxygène. Le professeur Réda Djidjik, chef de service d'immunologie au CHU de Béni Messous, à Alger, a avoué qu'il y aurait actuellement entre 26 000 et 30 000 cas confirmés de Covid-19 par jour en Algérie, ce qui expliquerait l'état de saturation des hôpitaux. «Y en a marre de vous écouter, y en a marre, les gens meurent par milliers, et sont incapables de s'offrir des médicaments, ils préfèrent mourir chez eux au lieu d'aller à l'hôpital, et vous osez dire qu'aucune personne n'a succombé à la pénurie d'oxygène ?» s'est indigné la chanteuse Zakia Mohamed. «Combien de bévues inacceptables, de mensonges volontaires, de véritables gaspillages, en un mot, ne voyons-nous pas encore tous les jours des signes de la dépravation politique et vous insistez sur le rôle des mains étrangères ?» a-t-elle dit. L'Algérie est confrontée à une pénurie d'oxygène à cause de la pandémie. Le gouvernement assure qu'il va en importer alors que les critiques fusent sur le système de santé algérien vétuste, qui souffre depuis longtemps d'un sous-financement et, face à cette troisième vague épidémique aiguë, manque cruellement de médicaments et d'oxygène nécessaires aux malades les plus gravement atteints par le Covid-19, qui meurent parfois devant les hôpitaux. Des réalités qui n'existent pas pour le président Tebboune, qui n'a organisé aucune réunion de crise dédiée à l'approvisionnement en oxygène et à la disponibilité de médicaments de première nécessité. Sous le feu des critiques pour son impréparation avant cette nouvelle vague de contaminations, le gouvernement central ne peut que de fier aux initiatives publiques pour acheminer des réserves d'oxygène vers les villes les plus touchées. Face à la presse nationale, Tebboune a édulcoré la situation du secteur sanitaire algérien, submergé par un nouvel épisode meurtrier lié au variant Delta qui n'a pas été anticipée par les autorités, accusées d'incompétence. L'Institut Pasteur d'Algérie a indiqué que ce variant, bien plus contagieux, représentait 70 % des cas de Covid-19 en circulation dans le pays et qu'il pourrait franchir le seuil des 90 % dans les semaines à venir. Souffrant d'un manque de légitimité, Tebboune avait d'abord tendu la main au «Hirak béni», mouvement antirégime violemment réprimé. Il avait aussi promis d'ériger une économie «forte et diversifiée», à même de réduire la dépendance de l'Algérie aux hydrocarbures, sans réussir à proposer une feuille de route. Des opposants politiques, des journalistes et des blogueurs réputés proches de la contestation sont toujours la cible de poursuites judiciaires, quand ils ne sont pas emprisonnés. Sur le plan macroéconomique, l'Algérie traverse une crise sans précédent et voit fondre ses réserves de change, les liquidités s'amenuiser et un marché pétrolier toujours en proie aux aléas de l'évolution des indicateurs sanitaires. Selon les prévisions du Fonds monétaire international, l'Algérie devrait subir un déficit budgétaire parmi les plus élevés de la région. Pour des économistes, le pays a épuisé tous les recours offerts pour le financement du déficit, y compris la planche à billets, et le recours au financement extérieur sera «inéluctable» dans les prochains mois, malgré l'entêtement des autorités.