La justice a réclamé aux Affaires étrangères espagnoles ainsi qu'au ministère de la défense des informations sur les potentiels complices ayant facilité l'entrée illégale, illicite et discrète sur le territoire national de Brahim Ghali sans réaliser les formalités attendues. Le chef du Polisario est soupçonné d'avoir employé un moyen frauduleux pour se rendre à Saragosse (sous une autre identité ou en échappant aux contrôles). «Des législations, des traités, des jurisprudences ou d'autres règlements stricts mis en place ont été contournés». Le mot est sévère. La justice espagnole vient de donner un délai de sept jours au ministère de la Défense (dirigé par l'indépendante Margarita Robles) et au ministère des Affaires étrangères (dirigé par Arancha González Laya) pour fournir tous les renseignements à même de permettre d'identifier les personnes qui avaient permis à Brahim Ghali, soupçonné d'avoir échappé aux contrôles à l'aéroport militaire de Saragosse, d'entrer en Espagne. Un événement aggravé par l'irrespect des différentes règles en vigueur, notamment les lois, règlements, procédures relatives au séjour d'un étranger confronté à des poursuites judiciaires. Le Maroc a déclaré souhaiter une enquête transparente sur l'entrée frauduleuse en Espagne de Brahim Ghali, chef du Front Polisario dont l'hospitalisation a provoqué une crise diplomatique majeure entre les deux pays, suivie par des révélations accablantes sur le rôle du gouvernement de Madrid dans le déclenchement de la crise. Le magistrat titulaire du tribunal d'Instruction numéro 7 de Saragosse a invité la diplomatie et la défense espagnoles à «dévoiler l'identité des personnes qui étaient intervenues dans les communications entre les Affaires étrangères et l'état-major de l'armée de l'air, et entre ce dernier et le général de la base aérienne de Saragosse, où a atterri l'avion algérien qui a transporté Ghali» indique le pure player El Español. «De cette manière, le magistrat qui instruit la plainte déposée par l'avocat Antonio Urdiales entend élucider qui, à quelles conditions et sous la direction de qui ordre a été donné pour permettre à Ghali d'échapper aux formalités du contrôle aux frontières» dévoile la même source. Le général en chef de la base aérienne de Saragosse, José Luis Ortiz-Cañavate, avait déjà assuré que le 18 avril, il avait reçu un ordre par téléphone de l'état-major général de l'armée de l'air selon lequel l'avion de Ghali ne doit pas être contrôlé. Lors de sa déposition, il a même expliqué que c'tait le ministère dirigé par Arancha González Laya qui avait directement donné l'ordre à la Défense pour que Brahim Ghali entre en Espagne sans qu'il soit contrôlé, au détriment du protocole établi par l'armée de l'air. Le chef de la base de Saragosse a également assuré dans sa réponse au juge qu'à ce jour, il ne peut préciser le nom des passagers de l'avion algérienne, car «les passeports n'ont pas été demandés». La base aérienne de Saragosse a une procédure opérationnelle selon laquelle tous les avions étrangers en provenance de pays hors de la zone Schengen qui y atterrissent recevoir «l'ordre des contrôleurs aériens militaires». Cette règle est fondée sur une instruction générale de l'état-major de l'armée de l'air. Or, dans ce cas, le chef de la base assure que la procédure habituelle a été outrepassée en raison de l'ordre reçu de l'état-major de l'armée de l'air. Selon la même source, «le ministère des Affaires étrangères a violé lois en faisant secrètement entrer Ghali en Espagne». Le «guide pratique du personnel diplomatique accrédité en Espagne», publié par les Affaires étrangères en 2017, établit dans sa section 2.2.5 que les «membres des missions diplomatiques doivent être identifiés au contrôle des frontières, munis d'un passeport, d'une carte d'identité ainsi que d'accréditation valider pour pouvoir se rendre en Espagne ou en sortir». Le justice espagnole cherche maintenant à savoir «si un dossier administratif a été ouvert à la suite des instructions reçues par le ministère des Affaires étrangères concernant l'arrivée à la base aérienne de Saragosse du vol en provenance d'Algérie dans lequel une personne munie d'un passeport diplomatique algérien a été du voyage, vraisemblablement, le 18 avril 2021, à 19h25» a-t-on précisé. Le Maroc, qui a «révélé dès le 19 avril» la présence de Brahim Ghali en Espagne, dispose d'informations sur les «complicités» dont celui-ci a bénéficié avant son départ et compte «dévoiler plus d'éléments en temps opportun». Brahim Ghali a été entendu début juin en visioconférence depuis l'hôpital de Logroño et dans un simulacre de procès, par un juge du haut tribunal madrilène de l'Audience nationale car il est visé par deux plaintes en Espagne. La première pour «arrestation illégale, tortures et crimes contre l'humanité» déposée en 2020 par Fadel Breika, dissident du Front Polisario naturalisé espagnol, qui affirme avoir été victime de tortures dans les camps de réfugiés sahraouis à Tindouf, en Algérie. La seconde avait été déposée en 2007 par l'Association sahraouie pour la défense des droits de l'Homme pour «génocide», «assassinat», «terrorisme», «tortures» ou «disparitions», commis là encore dans les camps de Tindouf, d'après cette organisation basée en Espagne.