Une nouvelle page de l'histoire d'Israël s'est tournée dimanche avec la fin de 12 ans de règne ininterrompu du premier ministre Benyamin Nétanyahou, écarté par un vote de confiance du Parlement à une coalition hétéroclite menée par son ancien allié Naftali Bennett. Le changement à la tête du gouvernement est entré en vigueur dès la fin du vote historique : 60 députés ont voté pour la nouvelle coalition, qui va de la droite à la gauche, en passant par l'appui d'un parti arabe, et 59, principalement du parti Likoud de M. Nétanyahou, de l'extrême droite et des partis ultra-orthodoxes, s'y sont opposés. Et dès l'annonce du résultat, des Israéliens ont célébré dans les rues de Tel-Aviv et Jérusalem, théâtres de manifestations anti-Nétanyahou pendant un an. Le gouvernement travaillera pour «l'ensemble» de la population israélienne, y compris la minorité arabe, mais aussi les juifs ultra-orthodoxes qui n'ont aucun élu dans cette coalition, a déclaré au Parlement M. Bennett, chahuté par ses adversaires politiques dont plusieurs ont été expulsés de l'assemblée plénière. «Je comprends que ce ne soit pas un jour facile pour beaucoup aujourd'hui, mais ce n'est pas un jour de deuil, c'est un jour de changement, de changement de régime dans une démocratie», a-t-il dit dans un discours avant le vote. «Je promets que ce gouvernement travaillera pour l'ensemble du pays, personne ne doit en avoir peur», a encore assuré M. Bennett. Aux dernières législatives de mars, le Likoud a terminé en tête mais M. Nétanyahou n'a toutefois pas réussi à rallier une majorité de 61 députés nécessaire pour former un gouvernement. Devant l'impasse, le président Reuven Rivlin a demandé au chef alors de l'opposition Yaïr Lapid, de tenter sa chance. Et ce dernier a réussi in extremis début juin à réunir une majorité en formant une coalition réunissant deux partis de gauche, deux de centre, trois de droite et — fait rarissime — la formation arabe Raam de Mansour Abbas. Le «retour» de Nétanyahou ? Le soutien de Mansour Abbas et de Naftali Bennett a été essentiel pour atteindre le seuil de la majorité. Et pour s'assurer du soutien de M. Bennett, Yaïr Lapid lui a proposé d'être le premier premier ministre, pour deux ans, avant d'enfiler lui-même en août 2023 le costume de chef de gouvernement. Si, bien sûr, cette coalition hétéroclite fragile parvient à rester au pouvoir jusque-là. Rétrogradé au poste de chef de l'opposition, Benyamin Nétanyahou a averti lui qu'il taclerait le gouvernement dans l'espoir de revenir au pouvoir rapidement malgré ses 71 ans et son procès pour corruption, malversation et abus de pouvoir dans une série d'affaires. Devant le siège du Parlement à Jérusalem, des manifestants arborant le drapeau national bleu et blanc serti de l'étoile de David, ont apporté leur soutien à la nouvelle coalition. Sur la place Rabin à Tel-Aviv, des Israéliens se préparaient à une nuit de fête. «Nétanyahou va à la maison, ce premier ministre est resté là pendant trop longtemps, il a essayé de changer le système en sa faveur et d'échapper à certains crimes, alors aujourd'hui c'est la fête à Tel-Aviv», a dit un serveur dans un bar, Jorel Franganti, 24 ans. «Menaces sécuritaires» En présentant au Parlement les grandes lignes de son gouvernement, Naftali Bennett a affirmé que sa coalition ne laisserait pas «l'Iran se doter de l'arme nucléaire». «Ce gouvernement commence son travail sous la plus grave des menaces sécuritaires», a-t-il dit à propos de l'Iran, assurant que son pays se «réserverait une liberté totale d'action» contre son ennemi juré. Outre le dossier iranien, ce gouvernement uni par sa seule volonté de faire chuter M. Nétanyahou, devra trouver un terrain d'entente sur la relance économique post-pandémie, et éviter des sujets sensibles comme la question palestinienne. Dès son entrée en fonction, la coalition sera confrontée à des défis pressants comme la marche prévue mardi de l'extrême droite israélienne à Jérusalem-Est, secteur palestinien occupé par Israël. Le mouvement islamiste Hamas, au pouvoir dans l'enclave palestinienne de Gaza sous blocus israélien, a déjà menacé de représailles si cette marche se tenait près de l'esplanade des Mosquées. Dimanche il a indiqué que le nouveau gouvernement ne «change rien» à ses relations avec Israël. En mai, le Hamas avait formulé une menace similaire avant de lancer des roquettes sur Israël, ce qui avait mené à une guerre de 11 jours entre les deux protagonistes.