L'Algérie est isolée depuis plus d'un an, avec ses frontières terrestres, maritimes et aériennes fermées, confrontée une crise sanitaire d'ampleur, à un débat féroce sur la vaccination et à la montée en flèche du chômage. Le tissu économique, lui, est presque anéanti. 2020 était année au cours de laquelle la pandémie a extrêmement dégradé l'économie algérienne déjà fragile, plongée dans une crise aiguë depuis la chute brutale des cours du pétrole et du gaz en 2014 – la seule richesse du pays- qui, selon le ministère du Travail, a été privée de 50 000 emplois en un an. Une enquête publiée cette semaine révèle que 200 000 autres travailleurs «manquent de ressources» et environ 180 000 employés reçoivent leurs salaires en retard dans une économie dépendante, qui n'épargne pas, où l'Etat est le principal employeur et où la majorité survit avec ce qu'elle gagne au jour le jour. Des rapports indépendants assurent, quant à eux, que le chômage dépasse 40% de la population active tandis que 62% qui travaillent occupent des emplois précaires, affectés par la dévaluation continue de la monnaie et l'inflation galopante. «La situation est critique, marquée par les incertitudes et l'instabilité. Elle est devenue plus compliquée qu'en 2014 car la détérioration macroéconomique et microéconomique se poursuit», a expliqué l'économiste algérien Mahfoud Kaoubi à l'agence EFE. «Le prix du pétrole continue d'affecter gravement la baisse des revenus du pays. La croissance s'est contractée de plus de six points, ce qui a de lourdes conséquences, notamment sur le marché du travail. Mais le plus critique est la dépression que traversent les secteurs d'activité du pays», a-t-il alerté. Vaccination et immunité Le 17 février 2020, l'Algérie a été le premier pays d'Afrique à confirmer un cas positif à la Covid-19, un travailleur italien du secteur pétrolier. Environ un mois plus tard, et compte tenu de l'augmentation des cas, le gouvernement a ordonné la fermeture des frontières, interdit toutes sortes de réunions et arrêté l'activité économique, imposant un verrouillage qui a également servi à interrompre les manifestations massives qui se réitèrent chaque semaine depuis l'éclosion du mouvement antirégime Hirak en février 2019. Une situation qui s'est maintenue, marquée par de petits ajustements et une légère éclaircie la semaine dernière après que l'incidence épidermique eut tombée en dessous de la centaine de positifs quotidiens dans un pays de 44 millions d'habitants. «Depuis des semaines, le nombre de cas est stable grâce à trois facteurs: les mesures adoptées, la culture sanitaire acquise par la population et les estimations scientifiques sur le ralentissement du virus», explique le virologue Mohamed Melhag à EFE. Par ailleurs, le régime algérien a lancé une campagne de vaccination tâtonnante, s'appuyant sur les vaccins chinois Sinopharm et russe Spoutnik V. «Nous sommes encore loin de l'immunité collective car 60 à 70% de la population totale n'a pas été infectée – le pays a confirmé 116 836 cas et 3 080 décès – et parce que la vaccination n'a pas non plus atteint ce chiffre» a-t-il dit. Paralysie commerciale Le gouvernement rappelle que la vaccination est indispensable pour «inverser la paralysie économique et la faiblesse du tissu économique». Selon une enquête réalisée par la Chambre de commerce et d'industrie (Caci) et la plate-forme Emploitic, 64% des entreprises algériennes ont réduit leurs embauches en raison de la pandémie, le bâtiment et les travaux publics étant les plus touchés. «Le manque de visibilité et l'impossibilité de se projeter ont marqué l'année 2020 et marqueront sûrement une partie de 2021», prévient l'étude. Pour tenter de contenir cette détérioration galopante, le gouvernement a décidé il y a des mois d'appliquer des mesures fiscales de soutien aux entreprises et a également accordé des aides exceptionnelles aux «petites entreprises» pendant trois mois d'une valeur de 30 000 dinars (180 euros) et d'une allocation de 10 000 dinars (environ 62 euros) pour les familles dans le besoin. Ce sont des mesures insuffisantes qui n'empêcheront pas la disparition de milliers de petites entreprises alimentées par des dépenses publiques colossales, mettent en garde les experts, déplorant ce qu'ils considèrent comme une opportunité perdue pour un changement de modèle économique et social. «Nous n'arrêtons pas de mettre en garde sur les conséquences et l'incertitude engendrées par la grave baisse d'activité de nombreuses entreprises, notamment dans le secteur du montage de véhicules, de l'électroménager ou de la construction. Les entreprises peuvent durer deux ou trois mois, pas plus», prévient la même source. «La mise en œuvre des décisions a été lente, a-t-on insisté. De plus, des mesures beaucoup plus courageuses étaient attendues, similaires à celles de l'Union européenne. La situation actuelle nécessite un examen approfondi pour être en mesure de savoir pourquoi la relance attendue ne se traduit pas en réalité»