La plus grande messe célébrée par le pape en Irak a eu lieu au stade Franso Hariri d'Erbil, le 7 mars. Après avoir prié pour les «victimes de la guerre» dans le nord de l'Irak ravagé par les djihadistes, le pape a célébré dimanche sa plus grande messe durant son voyage historique dans ce pays devant des milliers de fidèles et sous haute sécurité. Désormais au Kurdistan irakien, qui se présente en havre de paix dans un Moyen-Orient déchiré par les guerres, le pape François, friand de bains de foule et qui n'a cessé de louvoyer pour bénir des chrétiens irakiens sur son chemin, est enfin dans son élément. Le souverain pontife argentin de 84 ans est apparu debout dans sa célèbre «papamobile» devant des milliers de fidèles installés à distance les uns des autres sur la pelouse ou les gradins du stade Franso Hariri à Erbil, certains sous des ombrelles pour se protéger du soleil. PHOTO HADI MIZBAN, ASSOCIATED PRESS Il a fait son entrée sous les youyous, les percussions et les cris de fidèles qui le suivaient en courant dans une vraie ambiance de stade. Le pape a ensuite débuté la messe en latin, chape violette sur le dos et calotte blanche sur le crâne devant une assemblée silencieuse et recueillie, au dernier jour de sa visite en Irak, la première effectuée par un pape dans ce pays. PHOTO VINCENZO PINTO, AGENCE FRANCE-PRESSE Après des déplacements en avion, hélicoptère ou voiture blindée à travers un pays sorti il y a trois ans d'un conflit sanglant contre le groupe djihadiste Etat islamique (EI), le pape est dimanche au plus près des membres d'une des plus anciennes communautés chrétiennes mais aussi l'une des plus dispersées dans le monde. Vigilance renforcée Depuis son arrivée vendredi, gardes du corps et forces de sécurité sont en vigilance plus que renforcée. Ils le sont de nouveau pour cette messe au stade Franso Hariri – du nom d'un politicien chrétien assassiné il y a 20 ans –, après une attaque aux roquettes fin février contre l'aéroport d'Erbil. Mais dimanche, il est parvenu à toucher la foule, d'abord à Mossoul, ancienne «capitale» autoproclamée de l'EI, où il a déploré l'exil des chrétiens d'Orient sur une estrade construite au milieu des ruines faute d'église toujours debout. PHOTO ANDREW MEDICHINI, ASSOCIATED PRESS Là, le pape, qui marche avec difficulté en raison d'une sciatique, a fait un tour en voiturette de golf sous les youyous et les vivats d'une petite foule. «Plus beau jour» «C'est le plus beau des jours !», s'exclame Hala Raad, qui l'a vu passer. «Maintenant, on espère vivre en sécurité, c'est ça le plus important», poursuit cette chrétienne, qui a fui Mossoul lors de la percée djihadiste et n'y revient plus que pour de courtes visites. Puis, à Qaraqosh, localité chrétienne martyre à mi-chemin entre Mossoul et Erbil, le souverain pontife a appelé une foule émue à «reconstruire» et à «ne pas se décourager» alors que le nombre de chrétiens est passé en 20 ans de 6 % à 1 % de la population en Irak. Si le pape se déplace sous haute protection dans un pays où se terrent encore des cellules djihadistes clandestines, il doit aussi composer avec la COVID-19 pour son premier déplacement en 15 mois. L'Irak est en confinement total après que les contaminations quotidiennes ont atteint un record : plus de 5 000 cas. De ce fait, le nombre de fidèles dans le stade a été réduit à plusieurs reprises. Car si le pape et tous les journalistes et ecclésiastiques qui l'accompagnent ont été vaccinés avant leur départ, aucun des fidèles présents au stade ne l'a été. Seules 50 000 doses de vaccin sont arrivées à ce jour en Irak et seuls des médecins ont pu en bénéficier. «Geste d'amour» «C'est un voyage particulier aussi au regard des conditions» sanitaires et de sécurité, convient Matteo Bruni, le porte-parole du Vatican. Mais, poursuit-il, c'est «un geste d'amour pour cette terre et ce peuple» que François voulait visiter depuis la percée de l'EI en 2014 en Irak, et «tout geste d'amour est toujours un peu extrême». Le pape doit quitter lundi matin l'Irak pour Rome. Avant d'aller dans le nord du pays, le souverain pontife s'était rendu samedi à Najaf, ville sainte musulmane chiite du Sud, pour rencontrer le grand ayatollah Ali Sistani. Ce dernier lui a dit œuvrer pour que les chrétiens d'Irak vivent en «paix», en «sécurité» et avec «tous leurs droits constitutionnels». De nombreux chrétiens hésitent encore à rentrer définitivement chez eux. Quand en 2014, l'EI a pris la plaine de Ninive, des dizaines de milliers d'entre eux ont fui et peu font désormais confiance à des forces de l'ordre qui les avaient alors abandonnés disent-ils. Aujourd'hui, beaucoup affirment vivre dans la peur des paramilitaires désormais intégrés à l'Etat qui ont repris le terrain aux djihadistes.