Au milieu des décombres, le pape François a prié dimanche pour les «victimes de la guerre» dans le nord de l'Irak, où les jihadistes du groupe Etat islamique (EI) ont semé la terreur et détruit des églises millénaires avant d'être défaits il y a trois ans. Sous très haute protection pour le dernier jour de son voyage historique en Irak, le pape est allé à la rencontre de la communauté chrétienne d'Irak –l'une des plus vieilles au monde, mais aussi l'une de celles qui a connu le plus d'exils. Le souverain pontife de 84 ans a prié dans les ruines de Mossoul avant de se rendre à Qaraqosh, localité martyre qui s'est parée de mille couleurs pour le recevoir. «La diminution tragique des disciples du Christ, ici et dans tout le Moyen-Orient, est un dommage incalculable (…) pour les personnes et (…) la société qu'ils laissent derrière eux», a-t-il lancé. Sous une immense croix, son convoi de voitures blindées entourées de gardes du corps a été accueilli par des centaines d'Irakiens à Qaraqosh, une localité chrétienne à l'histoire multimillénaire. Le pape, qui marche avec difficulté en raison d'une sciatique, a tenu néanmoins à prier avec les fidèles revenus dans la ville pour le voir. Là, il a prié l'angélus devant une foule émue qu'il a appelé à «reconstruire» et à «ne pas se décourager» dans un pays où le nombre de chrétiens est passé en 20 ans de 6% à 1% de la population. A Mossoul, prospère ville commerçante depuis des siècles mais qui a souffert trois ans sous le joug des jihadistes (2014-2017), les autorités catholiques ne sont pas parvenues à trouver une église en état pour accueillir le pape. Au total, 14 églises de la région ont été détruites dont sept des premiers siècles. Il a donc fallu construire une scène dans les ruines de quatre églises de différentes obédiences, dont l'église al-Tahira de Mossoul, vieille de plus de 1.000 ans. C'est autour de cette estrade que le pape a fait un tour en voiturette de golf au milieu d'une petite foule sous les youyous et les cris de «Viva papa». Gardes et barrages de sécurité étaient partout dans la plaine de Ninive, où se terrent encore des jihadistes malgré leur défaite militaire fin 2017. Si la visite du pape est historique, le dispositif sécuritaire déployé pour l'accueillir l'est tout autant. Les rares kilomètres que le pape a parcourus par la route l'ont été en voiture blindée. Pour le reste des 1.445 km de son parcours entamé vendredi, le souverain pontife est dans un avion ou un hélicoptère. Et tout cela, au beau milieu d'un confinement total décrété jusqu'à la fin de sa visite lundi matin, face à des contaminations record au Covid-19 en Irak. Mais au-delà des constats sur l'état de délabrement du pays et la tentation de l'exil, les chrétiens qui ont remis en état et lustré des églises ravagées par l'EI veulent voir dans cette visite papale un message d'espoir. «Le pape François arrive dans son habit blanc pour annoncer au monde que nous sommes un peuple de paix, de civilisation, d'amour», affirme Boutros Chito, prêtre catholique, à Qaraqosh. De nombreux chrétiens hésitent encore à revenir définitivement dans cette ville. Quand en 2014, l'EI a pris la plaine de Ninive, des dizaines de milliers d'entre eux ont fui et peu font désormais confiance à des forces de l'ordre qui les avaient alors abandonnés, disent-ils. Aujourd'hui, beaucoup disent vivre dans la peur des paramilitaires désormais intégrés à l'Etat qui ont repris le terrain à l'EI. Les mots dits samedi au pape par l'ayatollah Ali Sistani, grande figure du chiisme en Irak et au-delà, assurant oeuvrer pour que les chrétiens d'Irak vivent en «paix», en «sécurité» et avec «tous leurs droits constitutionnels», pourraient en rassurer certains. Le pape François n'a cessé de dénoncer en Irak «les armes», «le terrorisme qui abuse de la religion» et «les intolérances». De nouveau, dans sa prière dimanche, il a martelé: «il ne nous est pas permis de tuer nos frères (au) nom» de Dieu, «il ne nous est pas permis de faire la guerre en son nom». Devant des milliers de fidèles, le pape célébrera une messe dans l'après-midi dans un stade d'Erbil, la capitale du Kurdistan, où la sécurité sera stricte après une attaque aux roquettes en février contre l'aéroport de cette ville. Privé depuis son arrivée en Irak des bains de foule, le pape pourra probablement saluer les fidèles depuis la papamobile pas encore utilisée jusqu'ici.