L'emblématique responsable est mort du Covid-19 à Jérusalem. Incontournable des pourparlers avec Israël, il fut l'incarnation du «processus de paix», jusqu'au bout. Saëb Erakat, décédé mardi à 65 ans du nouveau coronavirus, était officiellement le négociateur en chef des Palestiniens. Mais à défaut de pourparlers avec Israël, à l'arrêt, il a dû se contenter ces dernières années d'être un avocat éloquent de la cause palestinienne. Secrétaire général de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) depuis 2015, soit numéro deux dans l'organigramme, Erakat faisait partie de ces Palestiniens qui ont cru en la négociation plutôt qu'en la lutte armée. Cet universitaire, qui s'exprimait dans un anglais volontiers teinté d'humour et de formules marquantes, a fait partie de toutes les équipes de négociateurs avec Israël depuis 1991, à l'exception notable de celle qui discuta secrètement des accords d'Oslo en 1993. Nommé en 2003 chef de l'équipe de négociations de l'OLP, il avait démissionné de ce poste brièvement en 2011 en raison de la divulgation de centaines d'archives sur les discussions avec Israël de 1999 à 2010 –les « Palestine Papers »– diffusées par la chaîne de télévision qatarie Al-Jazeera. Ces documents montraient les émissaires palestiniens, notamment Saëb Erakat, prêts à des concessions importantes sans contreparties apparentes d'Israël sur des sujets aussi cruciaux que le statut de Jérusalem ou les réfugiés palestiniens. Les responsables palestiniens étaient parvenus à contenir le scandale mais Erakat s'était retrouvé fragilisé par des informations selon lesquelles le principal responsable présumé des fuites travaillait dans son service. Ce vieux routier de la diplomatie a toutefois repris sa place de négociateur et a dirigé les tractations côté palestinien lors de la dernière tentative de paix américaine, lancée sous la présidence Obama et avortée en 2014. Depuis, il assistait impuissant, sous l'effet des intérêts contraires, des mauvaises volontés, des violences ou de la colonisation, à la déconfiture du rêve d'un Etat palestinien indépendant pour lequel il se battait. L'homme aux éternelles lunettes rectangulaires sans monture avait multiplié ces derniers mois les déclarations contre le projet israélien d'annexion de la Cisjordanie occupée et, ces dernières semaines, contre la normalisation des relations entre Israël et des pays du Golfe, conclue sans paix préalable entre les Palestiniens et l'Etat hébreu. Proche d'Abbas Né à Jérusalem en 1955, sept ans après la création d'Israël, il fut un proche de Yasser Arafat, leader historique du mouvement national palestinien, même s'il ne l'a pas suivi dans ses exils successifs. Il est ensuite devenu un proche de Mahmoud Abbas, qui a succédé à Arafat à la tête de l'Autorité palestinienne, gravitant dans son cercle restreint et passant pour l'un de ses successeurs potentiels. Le haut responsable, toujours en costume cravate, était un interlocuteur incontournable des émissaires étrangers. Il était aussi l'un des responsables palestiniens les plus loquaces sur Twitter, publiant quasi quotidiennement des messages en arabe et en anglais. Dernièrement, il s'était fait l'un des détracteurs les plus volubiles de la politique d'Israël de ne pas restituer les corps des Palestiniens tués par l'armée israélienne. Son propre neveu avait été tué en juin à un point de passage militaire en Cisjordanie occupée et sa dépouille est toujours conservée en Israël. Problèmes pulmonaires Atteint de fibrose pulmonaire, Erakat avait subi en 2017 une greffe de poumon dans un hôpital américain avant de reprendre ses activités. L'OLP avait annoncé le 9 octobre qu'il avait contracté le nouveau coronavirus et avait été transféré le 18 octobre à l'hôpital Hadassah de Jérusalem. Ex-journaliste au quotidien indépendant Al-Qods de Jérusalem-Est, Saëb Erakat était docteur en polémologie (les relations internationales mettant l'accent sur la compréhension des conflits, NDLR) de l'université britannique de Bradford et avait enseigné à l'université An-Najah de Naplouse (Cisjordanie) de 1979 à 1991. Marié et père de quatre enfants, il vivait à Jéricho, dans la vallée du Jourdain en Cisjordanie occupée. Auteur d'une dizaine de livres sur la diplomatie et la résolution de conflits, il a contribué à un ouvrage sorti en mai 2020 sur les effets de la pandémie de nouveau coronavirus sur la société palestinienne.