La proximité régionale ou la re-régionalisation est une des solutions aux dérives de la mondialisation car elle est plus opportune et plus nécessaire que le concept de relocalisation souvent utilisé en France et en Europe, a indiqué l'ancien ministre de l'économie et des finances , Fathallah Oualalou. Intervenant lors d'une visioconférence tenue à Rabat dans le cadre de la 9ème édition des Dialogues Stratégiques du Policy Center for the New South (PCNS), placée sous le thème "la Démondialisation", M. Oualalou a traité du concept de la "re-régionalisation de la mondialisation" emprunté au diplomate et homme politique français Hubert Védrine, à la lumière de la crise sanitaire qu'il qualifie de "crise anthropologique" qui a affecté le corps humain d'abord, le social ensuite, pour enfin ébranler la mondialité. Cette crise inédite et mondialisée, a poursuivi l'ancien ministre, a été à l'origine de la mobilisation des États contre la pandémie et nécessitera inéluctablement une refondation du monde post-crise, notant à cet égard que le monde est sur le point d'assister à la confirmation de quatre tendances pressenties depuis le début du siècle. Parmi ces tendances, M. Oualalou a cité la montée de la Chine et de l'Asie car "la mondialisation n'est plus seulement occidentale mais elle est également tractée par l'Asie et par l'Afrique". La deuxième tendance, a-t-il poursuivi, s'articule autour d'une nouvelle bipolarité qui s'installe entre la Chine et les États-Unis avec tout son lot de tensions, commerciales, aujourd'hui sanitaires, mais essentiellement technologiques. L'ancien ministre a ajouté que le recul de l'Europe, qui fait montre d'une forme d'inertie, et le "chamboulement régressif en Méditerranée" représentent la troisième tendance, alors que la quatrième réside dans le numérique et l'intelligence artificielle, en tant que forces motrices de la mondialisation pilotées par le GAFAM américain (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft) et le BATX chinois (Baidu, Alibaba, Tencent et Xiaomi). Dès lors, malgré la rupture des chaines de valeur mondiales due à la crise sanitaire, la fermeture des frontières entre les États et le désengagement des grandes puissances, M. Oualalou a démenti les affirmations selon lesquelles l'on assiste à une démondialisation ou que le monde aurait besoin de décroissance. Estimant que la mondialisation est dynamisée par des interdépendances inévitables d'où la pandémie, elle même, qui est un résultat de la mondialisation, le spécialiste a souligné que la mondialisation et la croissance sont nécessaires mais sous d'autres formes qui soient à même de répondre aux besoins des "biens communs" qui se traduisent par l'intégrité de la personne, l'intégrité de l'environnement, et l'équité. A ce titre, M. Oualalou a fait part de l'importance de lutter contre la pauvreté qui amplifie les répercussions des crises et de la nécessité d'instaurer une mondialisation plus équilibrée et plus partagée qui trouverait son essence dans la régionalisation, laquelle pourrait éviter une nouvelle bipolarisation qui serait potentiellement à l'origine d'une guerre froide. Mettant l'accent sur une multi-polarisation équilibrée, l'ancien ministre a noté que la régionalisation s'impose aujourd'hui dans la gestion du risque sanitaire et pour répondre au risque de rupture des chaines de valeur mondiales, en plus de contribuer à la réduction des coûts environnementaux liés aux longs déplacements. Pour ce faire, M. Oualalou a préconisé la création d'un troisième pôle qui donnerait une nouvelle centralité à la Méditerranée, le berceau de la mondialisation, en tant que nouveau pole de développement et de rayonnement, soulignant ainsi la nécessité pour l'Europe de tendre la main à la Méditerranée du sud et à l'Afrique en intégrant une nouvelle logique basée sur la coproduction et une nouvelle approche de partenariat. Et de conclure que "la re-régionalisation est aujourd'hui nécessaire pour sauver le multilatéralisme et créer les conditions d'une multipolarité à même de corriger les abus de la mondialisation". Lors de cette rencontre, animée par l'ancienne ministre de la femme et la famille et ancienne ambassadrice Nouzha Chekrouni, l'ancien ministre de l'économie et des finances Fathallah Oualalou, l'ancien ambassadeur auprès des Nations Unies, Mohammed Loulichki et l'économiste et membre de la Commission spéciale sur le modèle de développement, Larabi Jaidi, ont débattu des nouveaux paradigmes de l'ordre mondial, entre mondialisation et protectionnisme, dans un contexte marqué par la crise sanitaire liée à la pandémie du Covid-19.