Les autorités algériennes ciblent depuis des mois militants du mouvement de contestation « Hirak », opposants politiques, journalistes et internautes, multipliant poursuites judiciaires et condamnations. Fin janvier 2020, un mois et demi après l'élection très contestée à la tête du pays d'Abdelmadjid Tebboune, Human Rights Watch déplore que les manifestants du « Hirak » continuent d'être arbitrairement arrêtés et poursuivis. Le 22 février, des milliers d'Algériens se rassemblent à Alger pour marquer le 1er anniversaire de ce mouvement populaire et pacifique qui ébranle le pays depuis février 2019 et a obtenu la démission du président Abdelaziz Bouteflika. « Le peuple veut faire chuter le régime », scandent-ils. Le 17 mars, M. Tebboune, un ex-fidèle de M. Bouteflika élu lors d'un scrutin boycotté par l'opposition et marqué par une abstention record, interdit les rassemblements publics pour lutter contre le nouveau coronavirus. Plusieurs personnalités du « Hirak » et opposants appellent à suspendre la mobilisation. Censure Le 24 mars, Karim Tabbou, une figure emblématique de la contestation, est condamné en appel à un an de prison ferme. Le 29, Khaled Drareni, correspondant pour la chaîne francophone TV5 Monde et pour Reporters sans frontières, est placé en détention préventive, après avoir couvert une manifestation du « Hirak ». Le 22 avril, les députés adoptent un projet de réforme du code pénal « criminalisant » la diffusion de fausses informations qui portent « atteinte à l'ordre public et à la sûreté de l'Etat », un texte contesté par les militants des droits humains. Le 15 mai, le site d'information politique L'Avant-Garde Algérie est bloqué, dernier d'une série de médias en ligne indépendants victimes de la censure. Tentatives de mobilisation Les 19 et 20 mai, quinze opposants sont condamnés à des peines de prison ferme. Le 12 juin, une vingtaine de personnes sont interpellées à Béjaïa (nord-est) lors d'une tentative de rassemblement en soutien aux prisonniers politiques. Trois militants sont placés sous mandat de dépôt. Le 19, au moins 500 manifestants pro-« Hirak » sont interpellés, selon la Ligue algérienne de défense des droits de l'Homme. La plupart sont relâchés. Apaisement Le 1er juillet, M. Tebboune gracie six détenus, dont trois liés au « Hirak ». C'est la première fois que des militants du mouvement sont graciés. Le 2, quatre figures de la contestation –Karim Tabbou, Amira Bouraoui, Samir Benlarbi et Slimane Hamitouche– bénéficient d'une remise en liberté provisoire. Le 8, trois militants du « Hirak », dont un journaliste, arrêtés le 12 juin sont relaxés. Condamnations Le 28 juillet, Moncef Aït Kaci, ex-correspondant de France 24, et le caméraman Ramdane Rahmouni sont placés en détention préventive et libérés 24 heures plus tard. Le 24 août, le journaliste Abdelkrim Zeghileche, détenu depuis juin, est condamné à deux an de prison ferme pour « atteinte à l'unité nationale » et « outrage au chef de l'Etat ». Le 15 septembre, le journaliste Khaled Drareni est condamné en appel à deux ans de prison ferme et reste en détention. Deux figures du « Hirak », Samir Benlarbi et Slimane Hamitouche, sont condamnés à quatre mois de prison. Les ayant déjà purgés, ils ressortent libres. Le 27, Brahim Laalami, une autre figure du « Hirak », est condamné à trois ans de prison ferme et Khaled Tazaghart, un ex-député et militant antirégime, écope d'un an ferme dans un autre procès. Le 8 octobre, le militant Yacine Mebarki, est condamné à dix ans de prison ferme pour « incitation à l'athéisme » et « offense à l'islam ». Il s'agit de la plus lourde peine prononcée à l'encontre d'un militant du « Hirak » depuis le début de la contestation.