Michel Aoun a envisagé la possibilité, parmi d'autres, qu'une «bombe» ou un «missile» soit à l'origine de la catastrophe, qui a fait plus de 150 morts à Beyrouth. Alors que la recherche de survivants sous le regard angoissé de familles de victimes se poursuit, des secouristes internationaux continuent de fouiller, vendredi 6 août, les décombres du port de Beyrouth, après la gigantesque explosion survenue mardi, qui a fait plus de 150 morts. Près de l'épicentre de la détonation, à proximité des silos géants de céréales détruits, les secouristes de plusieurs nationalités coordonnent leurs efforts. Vendredi matin, quatre corps ont été retrouvés par les secouristes dans le port presque entièrement détruit. La double explosion a fait également plus de 5 000 blessés, des dizaines de disparus et des centaines de milliers de sans-abri dans les quartiers dévastés proches, alimentant la colère de la population contre la classe politique, accusée d'incompétence et de corruption. Le président libanais n'écarte pas la possibilité qu'une «bombe» soit à l'origine de la double explosion Vendredi après-midi, le président libanais, Michel Aoun, a déclaré lors d'une discussion devant des journalistes que les investigations sur l'origine de l'explosion chercheraient à répondre à trois questions, dont celle de «la possibilité d'une interférence extérieure». «Au moyen d'un missile, d'une bombe ou d'un autre moyen», a précisé M. Aoun lors de l'entretien, selon des propos rapportés par L'Orient-Le Jour. Les deux autres axes de l'enquête porteront sur les conditions d'arrivée et de stockage des 2.750 tonnes de nitrate d'ammonium dans le port de Beyrouth, ainsi que de vérifier si « l'explosion est le résultat d'une négligence ou d'un accident », selon le président. C'est la première fois qu'un responsable libanais évoque une piste extérieure dans l'affaire de l'explosion, les autorités affirmant jusqu'à présent qu'elle a été provoquée par un incendie dans un énorme dépôt de nitrate d'ammonium. Pour lui, l'explosion est due «soit à la négligence, soit à une intervention extérieur ». L'aide afflue, une conférence des donateurs dimanche Dans une capitale aux airs d'apocalypse, et alors que les autorités n'ont mis en place aucun dispositif pour aider les citoyens, des centaines de Libanais se sont mobilisés, dans un vaste élan de solidarité, pour poursuivre les opérations de déblaiement ou accueil des sans-abri. Plusieurs pays, parmi lesquels la France, ont eux dépêché du matériel médical et sanitaire ainsi que des hôpitaux de campagne. L'Union européenne a débloqué 33 millions d'euros en urgence et l'armée américaine a envoyé trois cargaisons d'eau, de nourriture et de médicaments. Dans l'immense cité sportive de Beyrouth, la Russie a installé un hôpital de campagne, dressant une vingtaine de tentes médicales où les premiers patients ont commencé à arriver, les hôpitaux de la capitale étant saturés. Des aides de l'Iran, des Emirats arabes unis et de l'Arabie saoudite étaient aussi attendues ce vendredi. Les agences de l'ONU ont lancé vendredi un appel urgent à la solidarité internationale, en sus des 9 millions de dollars déjà débloqués sur les fonds humanitaires des Nations unies. L'Organisation mondiale de la santé (OMS) a demandé 15 millions de dollars, tandis que l'Unicef a dit vouloir recueillir au moins 8,25 millions de dollars, lors d'une conférence de presse en ligne qui réunissait également le Programme alimentaire mondial (PAM), le Haut-Commissariat aux droits de l'homme et le Haut-Commissariat aux réfugiés. Les institutions européennes participeront à cette conférence des donateurs organisée par la France pour mobiliser une aide humanitaire d'urgence, a annoncé vendredi la Commission européenne. Le président du Conseil européen, Charles Michel, se rendra par ailleurs samedi à Beyrouth pour «témoigner de la solidarité de l'Europe avec le peuple libanais» et rencontrer les dirigeants du pays. Des appels à manifester samedi Cette détonation d'une puissance inouïe, la plus dévastatrice qu'ait vécue le Liban, a alimenté la colère de la population, qui avait déclenché en octobre 2019 un vaste mouvement de protestation contre la classe dirigeante. L'indignation est d'autant plus grande que le gouvernement s'est avéré incapable de justifier la présence du nitrate d'ammonium dans le port «sans mesures de précaution», de l'aveu même du premier ministre. Jeudi soir, les forces de l'ordre ont eu recours aux gaz lacrymogènes dans le centre-ville pour disperser des dizaines de manifestants enragés par l'incompétence et la corruption des autorités. Des appels circulent sur les réseaux sociaux pour une manifestation antigouvernementale samedi, sous le thème «Pendez-les». Les Libanais craignent une pénurie de pain La destruction du port de la capitale a encore restreint l'accès à la nourriture d'une population qui importe 85 % de ses besoins alimentaires, dont le blé. Ce dernier est nécessaire à la production des galettes de pain, indispensables à chaque repas libanais, et vendues aujourd'hui au prix subventionné de 2.000 livres libanaises (1,2 euro) le paquet de 900 grammes. Quelque 15.000 tonnes de blé, de maïs et d'orge entreposées dans les imposants silos, vieux de 55 ans, ont été projetées par l'explosion et une minoterie voisine a été détruite. Tant les boulangeries que les consommateurs craignent que la destruction de ces silos, d'une capacité de 120.000 tonnes, n'entraîne une pénurie de blé. Seize fonctionnaires arrêtés Seize fonctionnaires du port et des autorités douanières ont été arrêtés et placés en détention dans le cadre de l'enquête. Les autorités libanaises affirment que l'entrepôt a explosé après un incendie. Les autorités du port, les services des douanes et certains services de sécurité étaient tous au courant que des matières chimiques dangereuses y étaient entreposées mais ils se sont rejeté mutuellement la responsabilité. Outre le nitrate d'ammonium, le procureur militaire a évoqué la présence de «matériaux hautement inflammables et des mèches lentes», selon un communiqué.