L'Algérie fait face à des défis majeurs qui sont la conséquence de la chute des cours du pétrole et du contexte régional instable qui nécessite «un changement urgent», estime Javier Solana, ancien haut représentant de la politique étrangère et de la sécurité commune de l'Union européenne. Dans une tribune publiée dans Project Syndicate, le diplomate espagnol juge que la révision constitutionnelle intervient dans un «moment sensible où l'Algérie est en proie à des incertitudes politiques et économiques» et évoque des tensions internes au pouvoir. Derrière le consensus apparent, se décline une «paralysie dans le processus de prise de décision observée depuis quelques années. Avec un Bouteflika malade, apparaît la question de l'élection présidentielle de 2019», fait remarquer l'ex-patron de l'OTAN qui rappelle la bataille menée ces trois dernières années pour «limiter l'influence des services de renseignement et contraindre son chef Mohamed Mediène à prendre sa retraite sur fond de tension politique interne». Javier Solana, qui intervient régulièrement pour le compte de l'Institut d'études de sécurité de l'UE domicilié à Paris, souligne «l'insoutenable modèle économique» de l'Algérie basé sur la dépendance énergétique qui représente 97% des recettes d'exportations : «La forte baisse des cours de pétrole depuis juin 2014 est un défi externe qui vient aggraver la situation de l'Algérie et qui rappelle l'insoutenabilité du modèle économique du pays.» Ce contexte devrait contraindre le gouvernement algérien à renoncer à sa politique consistant à acheter la paix sociale, préconise Javier Solana. «La chute des recettes pétrolières signifie que le gouvernement ne peut plus maintenir un large éventail de subventions qui, traditionnellement, était servi comme un baume social, en aidant à prévenir la protestation. Le gouvernement a déjà dû augmenter certains impôts, en plus de la hausse des prix pour le carburant, l'électricité et le gaz. Si les prix du pétrole ne repartent pas à la hausse bientôt, les dirigeants de l'Algérie seront contraints de prendre des mesures plus drastiques, ce qui pourrait compromettre la stabilité sociale», prévient l'ancien représentant de la politique étrangère de l'UE. Les troubles sociaux jusque-là ont été évités en raison du traumatisme qui frappe encore la société algérienne suite à la décennie noire, M. Solana estime que la nouvelle génération d'Algériens peut se révolter en cas de grave crise économique. «Dans ce contexte social, et si les difficultés économiques persistent, les protestations et même la révolte peuvent ne pas être une perspective lointaine», redoute-t-il. Javier Solana convie le gouvernement algérien à réagir rapidement, s'il veut éviter un tel scénario. «Pour éviter une telle conséquence, le gouvernement algérien doit travailler rapidement pour diversifier son économie. Mais une telle action sera difficile dans l'environnement politique actuel, compte tenu notamment de la situation dans le voisinage de l'Algérie chargée d'instabilité», analyse le diplomate espagnol. Pour lui, la difficulté vient aussi du fait que l'Algérie consacre un effort politique et économique énorme pour stabiliser la région en proie à des crises sécuritaires aiguës. Et c'est dans ce sens que l'ancien secrétaire général de l'OTAN reproche le peu d'intérêt qu'accorde l'Europe à l'Algérie. «Pour l'UE, un nouveau renforcement des liens avec l'Algérie est particulièrement important, compte tenu de l'intérêt des deux côtés dans la stabilité de l'Afrique à proximité du Nord et du Sahel, ainsi que le potentiel de l'Algérie pour aider à améliorer la sécurité énergétique de l'UE», suggère M. Solana cité par El Watan.