La passe d'armes était annoncée et elle a eu lieu, par discours interposés. Au premier jour du 50e Forum économique mondial, le président des Etats-Unis, Donald Trump, a fustigé, mardi 21 janvier à Davos, les « prophètes de malheur » du climat, sous les yeux de la jeune militante climatique Greta Thunberg. Plus tôt dans la journée, celle-ci avait regretté à la tribune que « rien n'ait été fait » pour enrayer le changement climatique. Face à la jeune Suédoise, le président américain a dénoncé les «prédictions d'apocalypse» de certains. «Ce sont les héritiers des diseurs de bonne aventure de l'ancien temp », a ajouté M. Trump : «Ce n'est pas une époque pour le pessimisme, mais pour l'optimisme. Ils [les écologistes] avaient prédit une crise de surpopulation dans les années 1960, une famine massive dans les années 1970 et la fin du pétrole dans les années 1980. Ils veulent toujours dominer, transformer et contrôler tous les aspects de nos vies. Nous ne laisserons jamais le socialisme radical détruire notre économie, ruiner notre pays ou supprimer notre liberté.» En campagne pour sa réélection, en novembre, et à quelques heures de l'ouverture de son procès en destitution à Washingon, qu'il a qualifié de «farce», Donald Trump a déroulé à Davos, sur un ton plutôt monocorde, ses performances en termes de croissance économiques et de créations d'emplois aux Etats-Unis. Il a notamment a vanté l'abondante production d'hydrocarbures et l'indépendance énergétique du pays, mais sans jamais évoquer les énergies renouvelables. Surtout, comme lors de sa première venue à Davos, en 2018, l'hôte de la Maison Blanche a réaffirmé sa politique de l'«America First», saluant la trêve signée la semaine dernière dans la guerre commerciale sino-américaine. «Le temps du scepticisme est terminé, les entreprises affluent de nouveau aux Etats-Unis», a-t-il insisté. Présent dans la salle, le Prix Nobel d'économie Joseph Stiglitz s'est dit «abasourdi» par le discours provoquant du président américain. «C'est comme si ce que nous voyons de nos yeux n'existait pas», a-t-il dit. Plus tôt dans la matinée, Greta Thunberg avait déploré l'inaction des élites politiques et économiques pour le climat en dépit de tous les discours en faveur de l'environnement. Certes, «le climat et l'environnement sont un sujet d'actualité aujourd'hui», mais «en pratique, rien n'a été fait», «les émissions de CO2 n'ont pas diminué», a rappelé Greta Thunberg devant les grands patrons et responsables politiques réunis jusqu'à vendredi dans la luxueuse station de ski suisse. Ce n'est pourtant pas faute de recevoir de l'attention médiatique, a-t-elle estimé, avec comme une pointe d'amertume. «Je ne peux pas me plaindre de ne pas être écoutée. On m'écoute tout le temps», a dit l'adolescente, devenue représentante mondiale de la mobilisation des jeunes pour le climat. La Suédoise doit ouvrir dans l'après-midi une session au titre sans équivoque : «Eviter l'apocalypse climatique». Reste à savoir de quel côté pencheront les décideurs économiques réunis à Davos en termes de climat. Dans une récente enquête du cabinet PwC auprès de presque 1 600 patrons, le changement climatique ne figurait même pas parmi les dix principales menaces pour l'économie mondiale pour 2020, n'apparaissant qu'en onzième position. Les organisations non gouvernementales (ONG) présentes à Davos se gardent d'ailleurs de tout triomphalisme. «Il y a une énorme progression de la prise de conscience au niveau des grands patrons, mais le défi est de la traduire aux échelons inférieurs, au sein de groupes gigantesques» aux chaînes de production complexes, insiste Marco Lambertini, secrétaire général du Fonds mondial pour la nature (WWF). Selon un rapport de Greenpeace publié mardi, dix banques régulièrement présentes à Davos ont à elles seules financé entre 2015 et 2018 le secteur des énergies fossiles à hauteur de 1 000 milliards de dollars. Le Forum lui-même a été parfois taxé d'hypocrisie climatique en raison du ballet de jets, d'hélicoptères et de limousines qu'il occasionne. Cette année, il tente de montrer l'exemple en bannissant les ustensiles à usage unique, en montant des buffets sans viande, en compensant les émissions carbone ou en prodiguant des conseils sur le carburant utilisé pour les avions privés.