Les réactions affluent après le massacre mardi de 42 personnes, dont 31 femmes, lors d'un assaut non revendiqué à Arbinda, près de la frontière malienne. Une deuxième attaque ayant tué une dizaine de militaires a eu lieu mercredi dans la même région. Le Burkina Faso était en deuil, mercredi 25 décembre, jour de Noël, après une attaque djihadiste d'envergure qui a fait 42 morts dans le nord du pays, la pire depuis cinq ans. Trente-cinq civils, dont trente et une femmes, et sept militaires (quatre soldats et trois gendarmes) ont été tués dans cet assaut armé non revendiqué, mené mardi à Arbinda, près de la frontière malienne. Selon l'état-major de l'armée, la riposte a permis de tuer «80 terroristes». «Une centaine de motos, de l'armement et des munitions en grande quantité ont également été récupérés» après la fuite des djihadistes. La commune rurale d'Arbinda, située à 90 km de Djibo, chef-lieu de la province du Soum, et sa région ont régulièrement été frappées cette année par des attaques djihadistes, visant aussi bien les civils que les forces de l'ordre. Mercredi soir, des sources sécuritaires ont rapporté qu'une nouvelle attaque s'était produite dans la même région, à une soixantaine de kilomètres, une embuscade dans laquelle «une dizaine de militaires» ont péri. Début avril, 62 personnes ont été tuées en trois jours lors d'attaques djihadistes suivies d'affrontements intercommunautaires dans la commune, «trente-deux du fait des terroristes», et «trente du fait des conflits communautaires», selon le gouvernement. Deux attaques fin avril et début mai avaient frappé dans la région deux églises, tuant un pasteur et cinq fidèles protestants, puis un prêtre et cinq fidèles catholiques. En juin, dix-neuf habitants d'Arbinda avaient péri pendant l'assaut mené en plein jour par plusieurs dizaines d'hommes armés. Le président burkinabé, Roch Marc Christian Kaboré, à qui a souvent été reproché son manque de poigne face aux groupes djihadistes qui multiplient les actions violentes, a annoncé mardi soir sur Twitter le macabre bilan de cette «attaque barbare». Mardi matin, «un nombre important de terroristes ont attaqué simultanément le détachement militaire et les populations civiles d'Arbinda», a expliqué l'état-major dans un communiqué. L'attaque, d'une «rare intensité», a duré plusieurs heures. Six civils et une vingtaine de soldats ont été blessés, a précisé le ministre de la communication et porte-parole du gouvernement Remis Dandjinou. Le président Kaboré a décrété quarante-huit heures de deuil national, mercredi et jeudi, en hommage aux victimes de l'attaque, la pire qu'a connue le Burkina depuis le début des violences jihadistes il y a cinq ans. Pays pauvre d'Afrique de l'Ouest, le Burkina fait face à des attaques djihadistes fréquentes, comme ses voisins sahéliens le Mali et le Niger, une spirale de violences qu'il ne parvient pas à enrayer. Début novembre, quarante employés d'une société minière avaient été massacrés lors de l'attaque de leur convoi dans l'Est du pays. Le Burkina a reçu mercredi plusieurs messages de soutien, dont celui du Pape François a dénoncé dans son traditionnel message de Noël les agissements «des groupes extrémistes sur le continent africain, surtout au Burkina Faso, au Mali, au Niger et au Nigeria». Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres «condamne fermement l'attaque perpétrée le 24 décembre par des individus armés non identifiés à Arbinda» et «transmet la solidarité des Nations unies au peuple burkinabé», a-t-il indiqué dans un communiqué. « Inates au Niger hier, Arbinda au Burkina Faso aujourd'hui… Villes martyres, victimes d'un terrorisme rampant qui nous menace tous. L'Union européenne est aux côtés de l'Afrique dans son combat contre le terrorisme », a de son côté tweeté le président du Conseil européen Charles Michel. Le président du Niger, Mahamadou Issoufou, dont le pays vient de subir une terrible attaque de djihadistes à Inates (71 soldats tués), a fait part sur Twitter de sa «solidarité» et a présenté «au nom du peuple nigérien» ses «condoléances pour toutes les victimes civiles et militaires». Depuis 2015, les attaques djihadistes au Burkina ont fait plus de 700 morts, et environ 560 000 déplacés et réfugiés, d'après les Nations unies. Le nord et l'est du pays sont particulièrement touchés. Ouagadougou, la capitale, a été frappée à trois reprises. Ces attaques sont rarement revendiquées, mais sont attribuées à des groupes armés djihadistes, certains affiliés à Al-Qaida et d'autres à l'organisation Etat islamique. Les forces de l'ordre burkinabées, qui paient un lourd tribut, sont sous-équipées et mal entraînées, en dépit des discours volontaristes du gouvernement. Elles ont cependant revendiqué une série de succès depuis deux mois, affirmant avoir tué une centaine de djihadistes au cours de plusieurs opérations. Des bilans toutefois impossibles à confirmer de source indépendante. Face au péril jihadiste, cinq Etats sahéliens (Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger, Tchad) qui tentent depuis 2015 de mettre sur pied une force militaire conjointe de 5 000 soldats, ont appelé mi-décembre la communauté internationale à les soutenir davantage. Et la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao) a adopté le 21 décembre un «plan d'action» de 1 milliard de dollars (900 millions d'euros) sur cinq ans pour lutter contre le terrorisme, un plan aux contours cependant flous. Malgré la présence de forces françaises avec 4.500 soldats de l'opération «Barkhane», de l'ONU avec les 13.000 hommes de la Minusma au Mali, ainsi que de forces américaines, le Sahel subit des attaques djihadistes de plus en plus fréquentes et meurtrières, depuis les premières violences dans le nord du Mali en 2012. La France a convié le 13 janvier, à Pau, les cinq Etats sahéliens à un sommet pour «redéfinir plus clairement les objectifs militaires, politiques et de développement» de la lutte commune contre les groupes djihadistes, selon le président Emmanuel Macron, qui estime ambiguë l'attitude des présidents burkinabé et malien au sujet de la présence des soldats français, critiquée par une partie de l'opinion publique des deux pays africains.