Partout, elle répète la même antienne : l'Etat n'a pas à «exercer une tutelle» sur la vie sentimentale des citoyens, non plus qu'à pénaliser l'expression des désirs privés. Pourtant, Amina Maelainine ne condamne guère les positions passéistes de son parti sur le sujet des libertés individuelles. Si, selon Gide, les bons sentiments ne font pas de la bonne littérature, ils ne font pas non plus de la bonne sociologie. Amina Maelainine s'exprime abondamment, depuis quelques semaines, sur le débat autour des libertés individuelles. Aujourd'hui encore, elle s'est fendue d'une publication sur Facebook. Sa position est paradoxale à plusieurs titres. Elle se présente comme biaisée, instrumentalisée, peu convaincante. Derrière son intervention se tiennent des enjeux encore plus radicaux, sur la relation entre liberté et culture, corps et esprit. Le premier-venu aujourd'hui est convié à se faire sociologue. Encore faut-il qu'elle aille jusqu'au bout du questionnement et ne consente pas à une confusion savamment entretenue. En 2016, sous la Coupole, la députée PJD tonné devant les représentants de la nation que « la filiation religieuse du Maroc est la garantie de son authenticité, ajoutant que l'Islam y est religion D'Etat, base de la société et source de la législation » Une réaction face aux revendications qui réclament le droit d'exercer sa liberté, sans interférence gouvernementale. En 2019, la même Maelainine déclenche une offensive en faveur de l'allégeance à une forme de vie libertaire que son courant rejette et qu'en d'autres temps elle l'eût qualifiée de «d'inacceptable». Entretiens, conférences, publications sur les réseaux sociaux, elle appelle à ce que le désir entre dans les paramètres qui définissent la liberté au sein de la société. Plusieurs protagonistes du courant islamiste parlent de «subversion» et de «transgression» du modèle traditionnel et de loi en vigueur, mais la députée ne condamne pas ces réactions outrées. La clef de sa duplicité se trouverait alors dans l'instrumentalisation par laquelle le sujet des libertés individuelles est capté par une personne qui entretient un double discours. En janvier, au centre d'une retentissante polémique après un voyage controversé à Paris où elle s'est défait de son voile, son discours a changé totalement suite aux attaques qu'elle a subies, surtout de son propre camp. Elle adopte une logique de déconstruction des ancrages culturels qu'elle a toujours défendus. Ceux qui réclament la décriminalisation, comme le conseiller Omar Balafrej, député de la Fédération de la gauche démocratique (FGD), font face à des attitudes psychosociales de rejet et d'ostracisme. Dans un enregistrement vidéo, il a réclamé la consécration symbolique d'une forme de vie impliquant une intimité sexuelle non contrainte. Un shit-storm s'est abattu sur lui. Deux personnes partagent une communauté de lit hors des instituions légales ? Pas question. Amina Maelainine, qui a pris part à une conférence avec le député déclare soutenir le droit à la différence en ménageant les fondements de son système de valeurs, son système normatif. Changer la norme est difficile, changer les comportements passés est impossible. La personne rendue hypocrite peut en revanche s'engager dans des comportements allant dans le sens normatif. Amina Maelainine ne réagit point suivant d'une philosophie du droit, pensée en termes de responsabilité, de progrès. Elle défend deux réalités différentes, elle réclame que les libertés individuelles doivent être publiquement reconnues, soutenues, officialisées, mais sa position ne condamne pas la négation de son courant à la pratique de ses libertés, ni la virulence de certains discours qui ont parlé, jusqu'à une date récente, de s'en prendre à ceux qui souhaitent «pervertir» la société. Un "p'tet ben qu'oui et p'tet ben qu'non" non point hésitant à la normande, mais bien l'expression d'un double langage.