Le modèle de développement qui polarise le débat au sein des institutions nationales, se trouve aujourd'hui à une étape charnière de son exécution. Se pose alors la question lancinante : en quoi consiste le changement de stratégie voulu ? On évoque un changement d'objectifs. Dans le cadre de son université d'été, Ahmed Réda Chami un des invités de renom ayant participé au rendez-vous de rentrée patronal. Au lieu des mesures souvent compensatrices, Ahmed Réda Chami, président du Conseil économique social et environnemental (Cese), appelle à mettre en place de sérieuses mesures préventives en agissant sur le modèle lui-même. Il a recommandé une feuille de route de neuf choix, regroupés en 4 catégories. «D'abord, libérer les énergies», a-t-il annoncé, notamment modifier le cadre d'action, lequel conditionne souvent le comportement des individus et des acteurs particuliers. L'intégration de nouvelles variables dans l'étude des problèmes de développement au Maroc fait voler en éclat de nombreuses barrières. L'émergence d'une myriade de théories en relation avec le développement économique a poussé le Cese à présenter une synthèse novatrice entre les approches de la bonne gouvernance et du développement humain. Bon système éducatif, services publics élargis, concurrence saine, réduction de l'informel, mise en place de bonnes pratiques capables de promouvoir le développement et renforcement des capacités de base des individus. Le Cese appelle également à davantage de justice sociale, à la fin de l'économie de rente qui n'a fait qu'affaiblir l'Etat d'un point de vue institutionnel. Le Cese encourage des politiques publiques appelées à incarner un rôle plus actif favorisant un développement à visage plus humain. Il recommande une réglementation des potentiels de l'économie et la protection des groupes vulnérables. Ahmed Réda Chami insiste sur la diversification de l'économie marocaine, et cela nécessite des changements structurels aussi bien au niveau de la structure institutionnelle et sectorielle qu'au niveau de la structure productive. Le Cese recommande également d'amorcer un «choc entrepreneurial», et favoriser la création de 50.000 TPE et de 30.000 PME. Selon Ahmed Réda Chami, les individus sont la véritable richesse d'une Nation. La recette du Cese plaide en faveur d'un retour de balancier en direction des individus, qui garantit l'égalité des chances et une croissance dynamique. L'élargissement du capital humain constitue le point nodal du raisonnement du Conseil qui définit les multiples combinaisons qu'un individu est apte à mettre en œuvre. Les taux de croissance réalisés, avoisinant les 3,5 % entre 2012 et 2018, restent insuffisants. Taux de croissance et productivité sont liés par une relation circulaire : la productivité détermine à long terme la croissance et donc les taux, tandis que les taux déterminent le niveau de productivité qui repose essentiellement sur les projets d'investissement. Avec 1 point, le Maroc ne crée que 15.000 emplois actuellement. La croissance, donc, reste insuffisante pour résorber le chômage. Il faut, dans la foulée, favoriser l'économie numérique, surtout au Maroc où des marges de convergence existent. L'inégalité économique se mesure par l'incapacité des services publics. «Il faut cesser de parler d'augmentation de salaire et privilégier la notion d'amélioration du pouvoir d'achat.» affirme Chami, qui déplore le ralentissement des rythmes de progression des niveaux de vie. En mobilisant sur le thème du pouvoir d'achat, le Cese parle au cœur du problème qui constitue une préoccupation centrale de l'opinion. Ahmed Réda Chami s'adresse prioritairement aux classes socio-économiques situées dans les déciles les plus basses du revenu. Le Cese insiste sur la bonne santé du marché intérieur, sur la bonne gestion de la richesse hydrique, et sur une solidarité sociale effective, des domaines où le Maroc est encore à la traîne. Le rapport du Cese sera remis à la Commission spéciale dès son installation effective.