Lors du dernier sommet extraordinaire de « lutte contre le terrorisme », les pays de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), qui s'est tenu, samedi 14 septembre, à Ouagadougou, ont décidé de mobiliser 1 million de dollars sur 4 ans pour lutter contre le jihadisme dans la région, avec la participation du Maroc. Le bilan est lourd, 2.200 attaques ont lieu durant ces 4 dernières années, faisant 11.500 morts, des milliers de blessés et des millions de déplacés. Ces dernières années ont témoigné d'une évolution rapide du terrorisme et de l'extrémisme violent sur tout le continent africain, ce qui a eu des répercussions non seulement sur l'aspect sécuritaire mais aussi sur l'activité économique et la stabilité des peuples. Certains pays du Sahel comme le Burkina Faso vivent une véritable crise humanitaire, des écoles et infrastructures de santé ont été fermées, à cause d'attaques ou à cause de la menace terroriste constante. Les pays membres de la CEDEAO ont donc décidé de mobiliser un total d'un million de dollars sur une durée de 4 ans. Cet argent qui sera versé dans un « pot commun » servira à « renforcer les capacités opérationnelles » des armées nationales ainsi que des forces conjointes » comme le G5 Sahel ou la Force multinationale mixte du bassin du lac Tchad. La Force multinationale, notamment, est une armée qui réunit la Mauritanie, le Mali, le Burkina Faso, le Niger, et le Tchad. L'idée de cette force a été lancée par la France, afin de créer une armée régionale forte qui remplacera l'armée française, qui conduit au Sahel l'opération Barkhane, mobilisant 4.500 militaires, contre les jihadistes depuis 2014. Les résultats de cette Force multinationale mixte demeurent encore très faibles. L'argent mobilisé par la CEDEAO servira également à développer cette armée, à travers le déploiement de près de 5.000 hommes. Il faut noter que le G5 Sahel, dont la visée majeure est de lutter contre le terrorisme a été très mal financé. Lors de la création de la Force multinationale en 2017, la communauté internationale a eu beau promettre de débloquer la somme de 400 millions de dollars pour la financer,jusqu'à aujourd'hui, très peu de pays ont honoré leurs promesses. La Force multinationale fait face à des pénuries majeures d'équipements, à l'insuffisance des infrastructures et le manque de bases opérationnelles sécurisées, ce qui continue de retarder sa pleine opérationnalisation, alors que la menace terroriste gagne de plus en plus du terrain. On remarque ainsi que la somme d'1 million de dollars mobilisée par les pays de la CEDEAO reste largement insuffisante. En effet, la Force multinationale manque des investissements les plus prioritaires, comme des protections individuelles, des transports de troupes blindées contre les mines posées par les terroristes, qui sont semées partout et qui constituent un problème majeur pour se déplacer, ainsi que de moyens de communication, et d'armement. Sans compter les 14 camps fortifiés pour un coût de 80 millions d'euros, disséminés dans chaque pays, en particulier au Mali, qui, avec le Niger et maintenant le Burkina Faso, constitue une zone à haut risque avec leurs trois frontières communes devenues la cible privilégiée des terroristes. Même le quartier général de la force G5-Sahel n'a pas encore été reconstruit depuis sa destruction le 29 juin 2018 à Sévaré, au centre du Mali, suite à un attentat-suicide par un véhicule bélier piégé, perpétré par un kamikaze d'Al-Qaïda. Les bâtiments ont été détruits, des documents sensibles et des archives ont été perdus, les opérations ont été suspendues. Ainsi, les pays africains risquent de se retrouver devant une menace qu'il leur est impossible de contenir. En juillet dernier, Antonio Guterres regrettait de n'avoir pas réussi à faire placer le G5-Sahel sous le chapitre VII de la Charte des Nations unies, comme l'ont plusieurs fois réclamé ses Etats membres. Le chapitre VII permet un recours à des sanctions, voire à la force, à l'encontre des pays qui ont promis de débloquer un financement et qui n'ont pas honoré leur engagement. Son activation faciliterait le financement du G5-Sahel et pourrait le transformer en force onusienne. Rien que la semaine du 8 juillet 2019, l'Union européenne avait promis 150 millions de dollars supplémentaires à la force du G5 Sahel, mais de nombreux autres pays n'ont pas versé les fonds promis. Pourtant, le plus grand problème du G5 demeure bel et bien le financement, les économies émergentes et convalescentes des pays de la CEDEAO étant incapables de débloquer de grandes sommes. Ainsi, sans une mobilisation effective de la communauté internationale, la menace terroriste risque de gangrener les pays africains du Sahel.