Ce sont des droits très importants des étudiants en médecine privée que ceux sacrifiés par les ministères de la Santé et de l'Education nationale en faveur des revendications des étudiants des facultés de médecine publiques. Dans l'accord signé le 28 août entre les représentants des étudiants et les doyens des facultés publiques, ainsi que les directeurs des CHU au Maroc, les étudiants en médecine privée sont désormais sujets à plusieurs restrictions qui limiteront considérablement leurs cursus et leurs carrière. Les ministres de tutelle ont jeté les armes et ont concédé aux revendications les plus inconstitutionnelles des étudiants en médecine publique. L'accord du 28 août a été signé à contrecœur par certains doyens des facultés, qui ont été obligés à le ratifier par Saïd Amzazi. Pour une raison ambiguë, après un bras de fer de plusieurs mois, Amzazi, l'un des plus farouches opposants à certaines revendications discriminatoires des étudiants en médecine publique, a fini par céder et même coopérer. Plusieurs points d'interrogation sont à soulever. Rappelons que suite à la signature de cette accord, les étudiants de médecine ont accepté de passer les examens de rattrapage au titre de l'année 2018-2019. Et ce, entre le 20 septembre et le 19 octobre. Parmi les concessions qui ont été accordées aux étudiants de médecine publique, la fermeture du concours d'internat et les stages aux CHU aux facultés privées. Lors des tractations, Anas Doukkali, ministre de la Santé, avait auparavant qualifié cette éventuelle interdiction d' »inconstitutionnelle ». Amzazi lui-même, trouvait cette revendication parfaitement illogique. S'agissant du concours de résidanat – qui est resté ouvert à tous – bien que les étudiants soient issus de facultés privées, ils passent un concours de résidanat national au même titre que les étudiants issus de facultés publiques. Ainsi, le seul critère de sélection était la méritocratie, ce qui était parfaitement légitime. Ce raisonnement aurait également pu s'étendre au concours d'internat pour le garder ouvert à tous les étudiants du Royaume. Le gouvernement s'est engagé à modifier, dans le délai d'un an, le décret 2.91.527 afin de garder l'exclusivité du concours de résidanat aux étudiants du public seulement. Deuxième concession consentie : les étudiants en médecine privée ne seront plus en mesure d'effectuer leurs stages dans les CHU. Ces derniers seront désormais le monopole des étudiants des facultés publiques. La coordination nationale des étudiants en médecine estime que le Maroc s'est lancé dans la privatisation des universités de médecine, sans pour autant avoir « pallié aux problèmes du secteur public ». Pour Ayoub Abou Baigi, coordinateur nationale des étudiants en médecine, « les facultés privées dispensent leur formation au dépens des facultés publiques. Elles prennent des professeurs du public, elles prennent les places dans le quota de stagiaires au CHU, nous avons dû limiter cela. Les étudiants du public ne trouvent plus leur place au sein des CHU, on ne peut pas y rajouter les étudiants du privé. Le privé doit être indépendant et auto-suffisant. » Pour M.Abou Baigi, ces revendications n'ont rien de nocif contre les étudiants de médecine privée, ils visent à « pousser le privé à créer son propre concours d'internat, et à entraîner ses stagiaires au sein de ses propres hôpitaux et cliniques ». Ces mesures risquent d'entraîner une véritable séparation entre les lauréats de la médecine publique et ceux de la médecine privée, au moment où le Maroc a besoin de toutes les compétences qu'il peut avoir. M. Abou Baigi affirme que « la formation dispensée dans les facultés privées reste douteuse, puisque les accréditations sont octroyées à tout va ». La logique derrière cette affirmation est qu'une accréditation n'est généralement octroyée aux établissements qu'après au moins une promotion de diplômés en soit sortie, ceci afin de pouvoir recueillir une vision générale de la formation dispensée dans cet établissement public. M. Abou Baigi affirme que « l'université privée de médecine à Marrakech a reçu son accréditation de l'Etat 8 mois après avoir commencé à donner des cours, alors que la première promotion n'est à prévoir que dans 7 ans au moins », ainsi, « notre combat est purement académique, puisque nous militons pour une qualité de la formation », ajoute M. Abou Baigi. Le secteur de la Santé au Maroc souffre d'un manque d'effectif mais aussi de moyens. Pour répondre correctement aux besoins sanitaires de ses citoyens, le Maroc doit au moins tripler le nombre de lauréats en médecine chaque année, sachant que chaque diplômé coûte à l'Etat entre 120.000 et 130.000 dhs par an. Ainsi, l'Etat n'a pas seulement limité les étudiants en médecine, il s'est également limité lui-même, puisque le privé lui permettait de bénéficier de la formation de plus de médecins sans pourtant en payer les frais.