Le haut-commissaire au Plan a répondu indirectement, mardi à Rabat, aux concepteurs de l'indice de pauvreté multidimensionnelle en présentant une enquête statistique d'un genre nouveau, intitulée «Enquête nationale sur l'anthropométrie (ENA)». Ce travail qui précise les critères élaborés à Oxford en les transposant au Maroc, et qui a été mené auprès d'un échantillon de 2.426 ménages choisi parmi les 100.000 interviewés dans le cadre de l'enquête nationale démographique, a pour but de diagnostiquer et d'élaborer «une cartographie de la santé-nutrition des moins de 5 ans et des plus de 20 ans». Un état de l'existant qui a été mesuré à l'aune de trois critères internationaux: l'insuffisance pondérale, le retard de croissance et l'émaciation ou maigreur. Première constatation : en une décennie, le Maroc a accompli de grands progrès sur ces trois plans. Ainsi, l'insuffisance pondérale qui était de 9,3% en 2004 est tombée à seulement 3,1% en 2011- niveau bien inférieur aux 16% observés de par le monde, qui plus est, elle ne concerne désormais que 89.000 enfants. Idem pour le retard de croissance qui a régressé de 18,1% en 2004 à 16,5 en 2011, soit 10,5 points de mieux que la moyenne mondiale et seulement 474.000 enfants atteints. Plus net est le recul de l'émaciation ou déficit du poids par rapport à la taille. De 2004 à 2011, elle est passée de 10,2 à 3%, ce qui donne 7 points de moins que la moyenne mondiale. Voilà pour les faits, qu'en est-il des causes ? Ahmed Lahlimi est formel, l'origine de tous ces maux c'est le faible niveau de scolarité des femmes. Instruisez la femme et la société ne s'en portera que mieux, a-t-il laissé entendre. Dit autrement, cela donne : une femme instruite se nourrit et nourrit mieux. L'enquête analyse également la situation des adultes suivant un même nombre de critères, mais autres. Le premier, la maigreur, a une incidence marginale selon les conclusions de l'étude. Son indice est en effet passé de 3,9% en 2001 à 3,3% en 2011, avec toutefois une régression plus accentuée en milieu urbain qu'en rural. Tout autre est l'évolution de l'indice de pré-obésité qui lui s'est aggravé de 27 à 32,9% entre 2001 et 2011, surtout en milieu urbain. Dans l'absolu, les effectifs des pré-obèses ont forci de 4,5 à 6,7 millions. En clair, un Marocain sur 5 est en situation de pré-obésité. Reste l'incidence de l'excès de poids ou obésité grave et morbide. Là, l'enquête résonne comme un cri d'alarme. En 2011, l'obésité affecte 3,6 millions de personnes dont 26,8% de femmes et 8,2 d'hommes. Et là encore ce sont les citadins qui sont les plus atteints. L'un dans l'autre ce sont donc quelque 10,3 millions de Marocains qui sont en pré-obésité ou qui y sont en plein. Pire, l'obésité s'accroît de 7,3% l'an. Quelles leçons tirer de tout cela et surtout quel pare-feu? Premier enseignement : l'indice d'obésité s'aggrave avec l'âge et l'inactivité. 2ème observation : l'obésité s'accroît avec la nucléarisation de la famille et varie en fonction du niveau scolaire. Enfin, elle est fonction du niveau de vie. Alors, pour en freiner l'évolution inexorable, laquelle est autant liée à l'âge qu'à l'inactivité ou qu'à la malbouffe : deux solutions selon le HCP: la scolarité des femmes - tant il est vrai qu'elles sont source de propagation de la connaissance, y compris le savoir-manger et le sport. En clair, le HCP pense qu'il nous faut donner «à nos femmes, à nos mères, à nos sœurs… du travail». Plus de travail et d'emplois qu'elles n'ont actuellement. On se demande même si la parité n'est pas une question essentielle de santé. Le HCP s'y refuse, mais il se pourrait bien qu'il ait inventé ce que qu'on pourrait appeler la statistique politique.