A la tête d'une PME qui emploie une quarantaine de personnes, Derhy Gad est aujourd'hui en plein dans la guerre des marques de boissons gazeuses. Selon ses déclarations, l'un des fournisseurs de sa société a tenté de le dissuader de vendre des marques dites concurrentes. Témoignage. ALM : quand remonte les pressions exercées sur les distributeurs ? Derhy Gad : Tout a commencé en mars 2003 avec l'annonce du lancement de nouvelles marques. Dès lors, les fabricants existant sur le marché ont usé de toutes les manœuvres pour barrer la route à la concurrence. En même temps, il y a eu plusieurs événements : rachat de la SBM par Castel (propriètaire de la Cobomi) puis revente, par la SBM, de la SCBG (embouteilleur Coca Cola à Casablanca) à un embouteilleur Coca Cola dénommé Equatorial, opérant sur Fès et Marrakech. Il y a eu aussi le lancement de Ice, l'arrivée des marques dites engagées et l'annonce de l'introduction de Pepsi sur le marché marocain. Pour ma part, je suis distributeur d'eau minérale et de limonades de la marque Tops. Depuis mai 2003, notre fournisseur de boissons gazeuses a tenté de nous amener à ne pas commercialiser les nouvelles marques. On nous a même proposé, à nous les structures relativement importantes, d'abandonner la commercialisation de ces nouvelles marques contre avantages financiers. Les distributeurs de taille modeste n'ont pas eu le choix. Manifestement, vous avez opté pour la résistance? Non, nous avons opté pour la neutralité. Jusque-là, nous avons refusé toutes les offres, pensant que cette guerre ne doit pas nous concerner en tant que distributeur indépendant. Nous avons continué de commercialiser ces marques indépendantes. Mais, à la mi-septembre, le changement de direction chez notre fournisseur, la Cobomi, allait encore corser l'addition. Ce changement a coïncidé pour nous avec des soucis d'ordre privé. La nouvelle direction qui appartient à l'évidence à une structure plus puissante, sous prétexte d'apurement financier exigé du jour au lendemain, décida de ne plus apprivisionner. Nous avons fait constater ce refus manifeste de vente par un huisssier de justice. Les pressions, verbales jusque-là, devinrent écrites. En clair, notre fournisseur nous somme d'arrêter de commercialiser des produits dits concurrentiels. Toutes les tentatives de règlement de l'affaire à l'amiable furent finalement refusées. Aujourd'hui, l'affaire est en justice. Etes-vous le seul à subir ces pressions ou il s'agit d'un problème généralisé ? Notre PME-PMI représente plus de 11% du volume total de la Cobomi. D'autres distributeurs moins importants, basés à Rabat, El Jadida et Nador, se sont vus couper les vivres dès le mois de juin 2003. Pour nous, ils ont patienté jusqu'au mois de septembre 2003. Au-delà de la guerre entre marques, que cache, selon vous, cette pression de la part de votre fournisseur ? A priori, je ne peux rien conclure. Par contre, les pressions augmentent de jour en jour. Dommage que les distributeurs indépendants soient encore peu enclins à se réunir et à défendre leurs intérêts. D'aucuns y voient derrière ce branle-bas, la rivalité entre Coca-Cola et Pepsi. Est-ce le cas? A chacun de tirer ses conclusions. Par contre, si Cobomi a exigé de nous de ne pas commercialiser les marques dites concurrentes, à l'inverse, nous n'avons constaté aucune difficulté de la part des Eaux minérales d'Oulmées qui nous fournissent Pepsi. Justement pourquoi les pressions ne viendraient que de la seule Cobomi ? Il était évident, qu'il y a eu des motivations d'ordre stratégique. Ce que je peux dire c'est qu'il y a eu alignement des prix de vente en janvier 2003 entre Tops et Crush, cette dernière appartenant à Coca Cola. On nous a demandé dès la mi-décembre, d'aligner les prix. Au premier janvier, les deux produits étaient vendus à 5,5 dirhams le litre. A combien évaluez-vous la rupture d'approvisionnement décidée par votre fournisseur Cobomi ? Tout d'abord, nous avons réalisé un chiffre d'affaires de 17 millions de dirhams avec Tops en 2003 contre 15 millions en 2002. Nous avons investi beaucoup pour cette unique activité. Aujourd'hui, la société et le personnel payent la note d'une guerre qui n'aurait jamais dû les concerner. D'autant que, lorsque nous avons décidé de commercialiser le nouveau produit, en l'occurrence Pepsi, nous l'avons fait de manière autonome avec des investissements propres.