Driss Messaoudi est journaliste de métier. Il est aussi casse-pieds, dessinateur, écrivain, moraliste, satiriste, satyre, caricaturiste, et peut-être tellement d'autres choses encore. D'abord, c'est quelqu'un qui vous harcèle au téléphone. Vous vous demandez s'il vous fait une blague ou vous importune juste par excès de tendresse comme ces enfants qui jettent leur dévolu sur vous, parmi toute une assemblée, sans aucune raison particulière. Ensuite, il parvient à vous coincer entre deux portes et insiste lourdement pour vous présenter son œuvre. Une sorte de plaquette intitulée : « Les Grattepapiés, créatures communicantes zélémentaires ». Et finalement vous ne lui en voulez pas trop. Parce que dès que vous poussez un peu loin la curiosité et pour peu que vous ayez le temps de lire ces textes courts qui accompagnent des dessins plein page, une trentaine environ, vous découvrez un brin de plume, frais, espiègle, imagé et qui se laisse lire avec un certain baume au cœur. Messaoudi semble hanté par le métier et la corporation des journalistes au point d'en faire une sorte de fable. Une allégorie très transparente, naïve et amère, sur une activité et les mœurs qui lui sont inhérentes, et qui ont dû donner à l'auteur nombre de motifs de désenchantement et de désamour. Bâtie comme un ensemble de tableaux ou séquences, la fable emprunte au monde des médias, aux relations entre journalistes, aux liens entre eux et les centres de pouvoir, au rituel des jeux d'influence et de manipulation au sein de la corporation des figures et des thèmes qui sont explicités en quelque sorte par les textes, souvent sarcastiques de l'auteur écorchant heurs et malheurs de la tribu des Grattepapiés. Mais les choses ne sont certainement pas aussi graves que le laissent penser les propos du publicitaire Mohamed Laroussi, lui aussi atypique et fasciné par le journalisme. Les dessins, pour leur part, quoique minimalistes et indigents en termes plastiques renvoient à la fois aux éléments du puzzle, à des pièces de rouages, à des boucliers sommaires, ou encore à des trous de serrures dont les clefs se complaisent souvent dans des stéréotypes faciles et consommés. Alors, pour éviter tout anachronisme ou disproportion, disons que Driss Messaoudi fait un clin d'œil sur un ton mi-provocateur, mi-taquin, à ses confrères qu'il irrite beaucoup dans la vie de tous les jours. Mais, il n'y a au fond rien de méchant dans tout ça.