Depuis sa désignation en tant que sélectionneur national, Baddou Zaki a été un homme seul affrontant une situation dont il assume la plus grande partie. Une situation qui ne faisait certainement pas beaucoup de jaloux, jusqu'au grand exploit face à l'Algérie. Vivant dans un climat de tension continue depuis qu'il est à la tête de la direction technique des Lions de l'Atlas, constamment menacé d'ingratitude au moindre dérapage, il est temps de dire que l'homme a pris sa revanche. Une revanche aux multiples facettes et qui s'étale sur de longues décennies. Baddou Zaki a pris d'abord sa revanche à l'égard de l'équipe algérienne qu'il a connue en tant que gardien de but des Lions de l'Atlas vers 1980, lorsque, encore tout jeune, il prenait le relais du grand Hamid Hazzaz victime avec ses compagnons d'une sévère défaite à domicile face aux Fennecs de l'époque par 5 buts à un. Lors du match retour qui eut lieu à Alger, les Marocains, avec Zaki dans les bois, allaient subir une autre défaite par 3 buts à zéro. Puis c'est face à ses innombrables détracteurs que le coach de la nouvelle génération des Lions de l'Atlas vient de prouver qu'il était bel et bien à la hauteur des défis et de la confiance du président de la Fédération royale marocaine de football. Sans ce dernier, Zaki aurait en effet depuis longtemps quitté ses fonctions à cause de l'immense pression qu'il subissait de la part de certains membres de la FRMF qui le présentait comme synonyme d'un échec annoncé. Mais Zaki a endossé des responsabilités par conviction tout en étant prêt à assumer les conséquences à n'importe quel moment de son parcours. Il savait que sa tâche était avant tout une source de pression qui traumatise d'ailleurs tous les entraîneurs. Mais il savait également que son métier ne présente pas uniquement que d'éventuels moments de déception. Au contraire, Zaki misait sur la confiance et l'optimisme, car le même poste de responsabilité peut procurer des moments d'intense joie. A tout cela s'ajoutent les aléas du métier comme des blessures imprévisibles de joueurs essentiels, la malchance qui peut frapper l'équipe pendant un match ou la balle s'obstine à aller dans les filets de l'équipe adverse et se contente de rebondir maintes fois sur le poteau et ainsi de suite. Le Maroc s'est qualifié pour la CAN 2004 à la tête de son groupe avec seize points, cinq victoires, un match nul et aucune défaite. Les poulains de Zaki ont marqué une dizaine de buts sans en encaisser. Nos filets sont restés vierges jusqu'à la troisième rencontre du groupe D contre l'Afrique du sud. Zaki, et lui seul, se trouve derrière la détection de jeunes talents marocains et leur emplacement adéquat sur la pelouse. En tant qu'entraîneur de l'équipe nationale, Baddou Zaki avait salué en son temps cette avancée et avait promis de la couronner concrètement en Tunisie le mois de janvier. Une promesse largement tenue avec le passage en demi-finale la tête haute. Il est vrai que sa plus grande joie est ressentie chaque fois que ses joueurs assimilent sa tactique et l'appliquent sur le terrain. Cependant, il faut reconnaître qu'entre deux matchs, la difficulté se situe pour un entraîneur au niveau de la décompression. Zaki la combat grâce aux entraînements continus qu'il pratique. Il est tellement coriace qu'il réussit à faire le vide dans sa tête. Après chaque rencontre les joueurs regagnent leurs chambres, mais lui il pense déjà au match suivant avec tout le stress que provoque ce genre de situation. L'ex-capitaine des Lions d'antan et ancien ballon d'or d'Afrique défie même la pression en la travestissant. Au lieu de l'anéantir, elle le stimule pour rester constamment en éveil. Contre l'Algérie, nous l'avons vu effectuer des changements à des moments et des postes que plusieurs commentateurs, notamment sur la radio nationale, n'appréciaient guère. L'attitude de Baddou vérifie le dicton qui préconise que la réputation d'un homme de talent n'entre dans sa famille qu'en venant du dehors et en enfonçant un peu la porte. Zaki a dû se débrouiller pour gérer les lacunes de dernière minute, comme c'est la coutume dans le monde du football. En fin de compte et au-delà de tout professionnalisme, Zaki ne pratique pas seulement son métier d'entraîneur de l'équipe nationale, il prend très à cœur la défense du drapeau de son pays. Il n'y a qu'à revoir les images où ses larmes coulaient à flots à chaque fois que les Lions de l'Atlas enfonçaient les Fennecs dans un tourment qui n'est pas près d'être oublié. Zaki a fait honneur à la réputation du cadre national profondément engagé. Homme de défi, il vise toujours la lune car il sait que même s'il la rate, il atterrirait parmi les étoiles.