ALM : On assiste au cours de ce mois de février à une escalade des actions de protestation de l'UMT au niveau de plusieurs secteurs. A quoi peut-on attribuer cela? Miloudi Moukharik : Ce qui importe ce ne sont pas les grèves et leur fréquence mais leurs causes. Ainsi cette escalade de notre action syndicale est due à une régression des conditions de travail des salariés dans différents secteurs et à un déficit en matière de règlements de leurs revendications. On remarque cela par exemple en ce qui concerne le secteur des collectivités territoriales. C'est un secteur important qui rend des services louables, mais la situation de ses salariés est précaire. Ces derniers revendiquent depuis longtemps un statut particulier, mais aucune réponse appropriée n'a été apportée. Pire encore, plusieurs accords issus du dialogue social n'ont pas été mis en œuvre. Je cite, entre autres, la suppression des basses échelles. Cette mesure n'a pas été appliquée dans toutes les régions. Ainsi, il y a action syndicale chaque fois que les lois et les droits sociaux sont violés. Ne faudrait-il pas accorder du temps au gouvernement Benkirane avant de protester? Nous sommes conscients du fait qu'il faut laisser du temps au nouveau gouvernement. Mais il y a aussi la continuité de l'administration qui est censée apporter des réponses, dans la mesure où les revendications ne datent pas d'aujourd'hui. Il faut aussi dire que, nous, en tant que centrale syndicale, n'avons ni harcelé le gouvernement pour la tenue d'un dialogue social ni appelé à une augmentation généralisée des salaires. Jusque-là, nos actions se limitent au niveau sectoriel, avec des revendications à caractère urgent. Ainsi nous laissons le temps au gouvernement pour s'installer et prendre connaissance des différents dossiers. Tout de même, ces actions sectorielles, notamment au niveau de secteurs aussi vitaux que la santé ou l'administration, ne risquent-elles pas d'immobiliser le pays? Les actions de grève et de protestation sont des comportements sociaux tout à fait normaux dans la vie d'un secteur, une entreprise ou une administration. C'est le calme plat qui est dangereux, autant que le fait de laisser pourrir une grève sans aucune réponse. Les actions de certaines antennes de l'UMT, notamment la Fédération nationale des ouvriers et fonctionnaires des collectivités locales, s'inscrivent dans le Mouvement du 20 février, comment peut-on expliquer cela? L'UMT reste un organisme indépendant. Mais cela n'empêche pas que certaines des revendications du Mouvement du 20 février se croisent avec celles des masses salariales, notamment en ce qui concerne la justice sociale, une société juste et égalitaire, la lutte contre la cherté de la vie, la dignité des populations, l'équité... Ainsi nous soutenons le mouvement des jeunes et son action pacifique. Il ne faut pas oublier que ces jeunes sont pour la plupart des fils d'ouvriers.