«On nous laisse de nouveau à la merci des préfets, c'est pathétique. On a beau utiliser des formules de politesse, on n'échappe pas à l'humiliation...». S'il y a une circulaire qui a suscité toutes sortes d'indignation en France et ailleurs, c'est bien celle du 31 mai dernier. Dénommée communément la circulaire Guéant, elle vise à diminuer les flux migratoires professionnels mettant ainsi les diplômés étrangers dans le collimateur. Après une mobilisation de longue haleine, le gouvernement français a adopté, jeudi dernier, une nouvelle circulaire complémentaire sans pour autant échapper à de nombreuses critiques du fait que rien n'a été résolu et que ce nouveau document demeure insuffisant. Ce nouveau texte s'adresse aux étudiants hautement qualifiés. Ceux-là pourront bénéficier du titre de séjour pour travailler dans le cadre d'une première expérience. D'après Nabil Sebti, un Marocain diplômé d'HEC et l'un des étudiants qui se sont mobilisés pour la dénonciation de cette circulaire, «ce texte n'apporte rien de nouveau, il s'agit en partie d'un rappel d'une loi qui date de 2006». En effet, la loi précitée stipule que les étudiants d'un niveau au moins Master ou équivalent bénéficient d'une Autorisation provisoire de séjour (APS) de six mois, à compter de la date du jury du diplôme concerné. Ce qui figure également sur la nouvelle circulaire. Ce qui est peut-être nouveau dans cette circulaire c'est que dès lors que les étudiants obtiennent une promesse d'embauche, y compris avant la délivrance du diplôme, un titre de séjour autorisant l'exercice d'une première activité professionnelle est accordé. Là aussi, la loi reste vague et laisse libre cours à l'interprétation. La première activité professionnelle en question n'est aucunement définie. «On nous laisse de nouveau à la merci des préfets, c'est pathétique. Au niveau des préfectures, on a beau utiliser des formules de politesse, on n'échappe pas à l'humiliation. C'est très dégradant. Que tu sois ingénieur ou médecin, à leurs yeux tu n'es qu'un Arabe qui vient du tiers monde», dénonce amèrement Marouane Saddiki, lauréat d'une école d'ingénierie à Paris. En gros, on peut dire que la nouvelle circulaire promet aux étudiants, ayant reçu un refus, le réexamen de leur dossier. Seulement, ce qu'il faut savoir, c'est que si l'on a eu un refus, on est immédiatement licencié par sa boîte. Nabil Sebti note à ce propos que «même si nous réussissons à obtenir un titre professionnel, rien ne nous garantit d'être récupérés par nos boîtes. Nous sommes acculés à chercher de nouveau un emploi». C'est là où le bât blesse parce que, suite à la complication des procédures imposées par la circulaire Guéant, les entreprises refusent en majorité d'embaucher les diplômés étrangers. Tel a été le cas de Yassine Chaouki, jeune ingénieur fraîchement diplômé d'une prestigieuse école française et à qui on a refusé le renouvellement de statut et, en attente de réexamen de son dossier, a vu sa carte de séjour expirer et sa promesse d'embauche s'évaporer. «J'ai déposé ma demande de changement de statut à la préfecture de Bordeaux, on m'a donné un récépissé qui prolonge ma Carte de séjour de 3 mois et en attendant la réponse j'ai pu commencer un travail en CDD avec une entreprise qui a énormément investi en moi en termes de formation et de missions, mais la réponse de la préfecture a tardé et, à 4 jours de l'expiration de mon titre de séjour, je reçois une lettre de refus avec demande de quitter le territoire français», explique ce jeune Marocain. Yassine n'est pas le seul étudiant à être rentré à son pays d'origine suite à un refus de renouvellement de statut. Nabil Sebti a fait de même, mais c'était son choix: «On m'a proposé un titre de séjour professionnel et j'ai refusé. C'est toute la procédure qu'il faut changer et le cas par cas est loin d'être une solution. Cette circulaire doit être supprimée et non révisée. En revanche, s'il y a une chose que je regrette c'est que les entreprises marocaines ne se soient pas mobilisées pour le soutien des diplômés victimes de cette circulaire et qui sont en réelle détresse». Il est peut-être encore temps. A bon entendeur...