Au départ, il y a «Faut pas payer», pièce de théâtre italienne, adaptée par l'illustre homme de théâtre marocain Hassan Essakali, mise en scène par le jeune dramaturge Driss Roukhe. Résultat : une pièce de qualité. D'abord il y a Dario Fo, Prix Nobel de littérature 1997, comédien, metteur en scène, directeur de troupe et auteur italien, une des personnalités de premier plan de la farce moderne et du théâtre politique italien. Il est aussi joué depuis longtemps dans le monde entier ; c'est peut-être le plus représenté des dramaturges contemporains. En mélangeant le rire et la gravité il fait prendre conscience des abus et des injustices de la vie sociale. C'est justement pour cela que Driss Roukhe, jeune dramaturge marocain, lauréat de l'Institut Supérieur d'Art Dramatique et d'Animation Culturelle (ISADAC) de Rabat, a décidé de mettre en scène la pièce de l'auteur italien intitulée «Faut pas payer !» . La pièce est produite par Meryem Productions et est en tournée actuellement au Maroc avant de franchir les frontières pour de nouvelles aventures : destination Italie et France. L'adaptation marocaine est de Hassan Essakalli, illustre comédien, qui joue également dans la pièce. Le rôle principal de «Salha» est merveilleusement interprété par Zhor Maâmri, une grande dame du théâtre national. Auprès de ces deux pointures de la scène marocaine, il y a de jeunes comédiens fraîchement débarqués et prometteurs : Lalla Fatima Belkasmi, Abdellah Chicha, Saïd Bey… et bien sûr toute une équipe technique… Résultat : une comédie vraiment surprenante. C'est parti ! A la régie du Complexe Culturel Sidi Belyout, pour la première de la pièce, Driss s'active auprès de Bouchaïb (technicien lumière) pour les derniers réglages. La salla est archi-comble. Et puis on éteint la lumière. Musique ! Sur des airs entraînants et dans une ambiance feutrée par les différents coloris des projecteurs, les comédiens dansent. Ce «générique» de départ donne le ton. La première scène se passe dans un marché. Deux femmes lassées de la misère, rageant de n'avoir plus de quoi acheter à manger à la fin du mois, décident de voler les légumes. Elles sont plusieurs dans ce cas. C'est l'émeute au marché ! Mais la police s'en mêle et perquisitionne les maisons. Il faut cacher la nourriture ! Suit alors une vue panoramique de lutte de classes bien décidée. Le tragi-comique tient aux combines des épouses pour dissimuler les conserves volées par des grossesses miraculeuses, et surtout au portrait des policiers, déchaînés contre la démocratie de consommation, beaucoup plus violents que les manifestants. Le résultat final est une farce délirante et contestataire contre l'injustice et la société de consommation. Le grand rire libérateur de Dario Fo sait donner du souffle et de l'espoir à nos vies et l'adaptation marocaine suit cet esprit. Toute la force de la pièce est dans la complicité des acteurs et dans le texte qui en même temps amuse, engage et ouvre des perspectives. Et c'est bien au portrait d'une société de consommation en décadence que s'attellera notre spectacle joyeux et corrosif. Véritable exutoire pour un mal être qui ne cesse de grandir…