Après l'euphorie de la victoire, une fois sa majo-rité et son équipe gouvernemen-tale constituées, le PJD devra bientôt s'atteler aux choses sérieuses. Et la partie ne sera pas de tout repos. Les premiers mois risquent d'être mouvementés et intéressants pour Abdelilah Benkirane et sa future équipe gouvernementale. D'abord, il y aura un chantier urgent qui est la loi de Finances 2012. L'année 2011 s'approche de la fin et la nouvelle équipe ne pourra pas entamer 2012 sans loi de Finances au risque de bloquer son action faute de budgets. Or, on se rappelle bien que le projet de loi de Finances déposé au Parlement quelques semaines avant les élections était minimaliste, le gouvernement sortant préférant laisser à son successeur le soin d'y apporter ses touches. Mais le gouvernement d'Abdelilah Benkirane aura-t-il le temps de se mettre en place et de plonger dans les dossiers pour être au rendez-vous avant fin 2011? En toute logique, si le nouveau gouvernement laisse ce projet en l'état, il a de fortes chances qu'il soit voté très rapidement et, surtout, sans aucun risque de blocage de la part de l'opposition. La raison en est que le projet de loi a été préparé par cette même opposition quand elle était encore aux commandes. Elle devrait donc le voter. Mais l'inconvénient d'une telle option est qu'elle ne permet pas au nouveau gouvernement mené par le PJD d'apporter sa touche et donc de marquer d'entrée de jeu la différence. Et surtout, cela reviendra à adopter des hypothèses, notamment en termes de croissance, de déficit budgétaire et autres, qui ne correspondent pas forcément aux engagements pris par le PJD lors de sa campagne. En d'autres termes, sur le plan politique, cela risque de nuire au capital sympathie avec lequel démarre le PJD. Dans le cas contraire, si le nouveau gouvernement décide de modifier le projet de loi de Finances, l'exercice sera d'une extrême difficulté puisque sur le plan budgétaire les marges sont très réduites pour ne pas dire inexistantes. Chaises musicales au Parlement… Véritable casse-tête. La session d'automne a déjà été ouverte en octobre dernier avec les anciens parlementaires. Ces derniers ont eu à travailler en commissions sur un certain nombre de projets de loi qui sont actuellement toujours en examen. De même, ces commissions planchaient sur des propositions de loi soumises par l'opposition de l'époque dont faisait justement partie le PJD. La première question qui vient à l'esprit est de savoir comment la nouvelle majorité va opérer ce passage. Les propositions de loi qui émanaient, par exemple, du groupe parlementaire du PJD, et elles sont nombreuses, vont-elles être transformées en projets de loi ? C'est le cas par exemple des propositions relatives à la Charte communale, au Code pénal, aux banques islamiques, etc. Pendant plusieurs années, ces propositions étaient constamment refusées au Parlement. Maintenant qu'il a la main sur la première Chambre, rien n'empêche le PJD de les programmer en premier et de les faire voter puisqu'il dispose pour cela d'une majorité confortable. Mais se posera alors un problème d'ordre éthique. Vraisemblablement, on se dirige vers une majorité à laquelle prendront part des partis de l'ancienne comme le Mouvement populaire et surtout l'Istiqlal. Les députés de ces deux partis devront donc supporter et défendre des textes contre lesquels combattaient encore il y a quelques semaines ou quelques mois. Comment pourront-ils argumenter logiquement un tel changement radical de position ? Il va sans dire que c'est la crédibilité du Parlement et des parlementaires qui est en jeu.