Au lendemain des attentats terroristes, les Etats-Unis ont pris des mesures sécuritaires draconiennes au mépris des droits de l'homme et de l'égalité des chances. De nombreux jeunes marocains, excédés par une ambiance de xénophobie et de défiance à l'égard des arabo-musulmans, préfèrent renoncer au rêve américain et rentrer au bercail. Depuis le 11 septembre, l'Amérique n'est plus un Éldorado pour les candidats au départ. Ce jour-là, quelque chose s'est fissurée de manière bruyante. Quelque chose a changé dans le comportement des Américains. Des retombées en cascade. Les Marocains installés là-bas ont subi fatalement les conséquences de ce drame planétaire qui a frappé les esprits. Ils sont considérés comme les autres, c'est-à-dire des criminels ou des terroristes en puissance. Le regard porté sur les arabes en général et les Marocains en particulier est chargé de haine et de mépris. Le délit de faciès, que cette terre d'immigration n'a jamais connu auparavant et qui a fait justement sa prospérité et sa puissance , commençait à faire fureur. Une singularité mijotée au fameux melting pot fondé justement sur la cohabitation de différentes races. Brahim S., réceptionniste dans un hôtel en Floride, explique : “ Les Américains ne font pas la différence. Pour eux, les Arabes sont tous pareils du moment qu'ils s'appellent Mohamed ou Abdallah ou ont une tête qui ne ressemble pas à la leur“. Le sentiment qu'il n'existe pas d'étrangers aux Etats-Unis est-il en train de voler en éclats. En tout cas, les multiples incidents ayant éclaté au lendemain des attentats de New York et de Washington un peu partout à travers les Etats-Unis sont significatifs à plus d'un titre. Des passagers se sentant du coup plus Américains que les autres ont refusé de prendre le même avion où ont embarqué des Arabes, exigeant que ces derniers soient débarqués. Il est des métiers plus exposés que d'autres. Par exemple, les chauffeurs de taxi, les boulots de restauration ou de gardiennage … qui de par leur nature induisent un contact direct avec la clientèle. À New York où les taxi-driver sont pour la plupart Marocains, Indiens ou Pakistanais, il ne fait plus bon de pratiquer ce job. Un job, qui rapportait au minimum 800 Dollars US par semaine à raison de 8 heures de travail par jour, n'est plus ce qu'il était. Les clients refusent de prendre les taxis quand les chauffeurs ne sont pas attaqués ou insultés. La situation était telle les premiers jours qui ont suivi les attentats que certains chauffeurs marocains ont teinté leur cheveux et mis des lentilles de façon à avoir le look de type occidental. Cela rassure dans un pays dont les habitants, traumatisés, ont développé une peur par rapport à tout ce qui leur rappelle un air arabe ou musulman. Dans cette psychose, en même temps qu'ils se sont enfermés sur eux-mêmes comme une huître, ils ont pris conscience pour la première fois de l'existence de la nation américaine. Un nationalisme exacerbé qui s'est manifesté notamment par l'achat massif de la bannière étoilée, l'article qui a battu des records de vente. Nombre de Marocains vivant aux États-Unis se sont plaints d'attitudes racistes à leur égard. C'est le cas de ce citoyen, M. Arif, qui a été arrêté dans la rue par la police de Washington sans motif autre que parce qu'il a le teint basané. Marié à une Américaine, l'accusé a été traduit en justice car il se trouve que son visa a expiré. Il risque d'être refoulé. Du jamais vu. Les contrôles d'identité n'ont jamais existé aux Etats-Unis. Ils sont effectifs depuis le 11 septembre. Ce qui n'arrange pas évidemment les affaires de nombreux émigrés en situation irrégulière qui, munis d'un visa touriste donnant droit à un séjour de 6 mois, “oublient“ de se mettre en règle vis-à-vis des services d'immigration du pays d'accueil. Cela ne posait pas tellement problème puisque ces clandestins pouvaient travailler, disposer d'un permis de conduire et ouvrir un compte bancaire. En somme, ils menaient une vie normale sans risque d'être interpellés. La donne a changé aujourd'hui. Les autorités américaines parlent de quelque 10 millions d'illégaux vivant sur le sol américain et qui sont dans le collimateur. Des expulsions massives en perspective. D'ores et déjà, nombre de Marocains irréguliers, qui se sentent de plus en plus à l'étroit chez l'Oncle Sam, ont choisi de leur propre chef de retourner au bercail ou d'aller vers d'autres cieux plus cléments. Un Marocain, installé depuis 2 ans environ à San Francisco où il louait des limousines à l'aéroport de cette ville, est retourné récemment au Maroc. Des cas de ce genre, on peut les multiplier à l'envi. L'étau se resserre en général autour des étrangers. Naguère, il suffit de débarquer aux États-Unis pour ne pas se sentir ni étranger, ni exclu. Vous vous fondez sans problème dans la foule anonyme comme si vous étiez déjà américain et comme si vous aviez toujours vécu sur cette terre immense et accueillante. Cette époque semble aujourd'hui révolue. Le réveil est douloureux. Le rêve américain s'est transformé pour beaucoup en cauchemar. Les Américains ne sont plus naïfs. Ils ont perdu leur innocence. Oussama Bin Laden et ses kamikazes, manipulés ou pas, ont enfanté une autre Amérique. Depuis le 11 septembre, L'administration Bush développe un discours guerrier sur le mode du Far West. Au consulat des Éats-Unis de Casablanca, la procédure d'octroi des visas est devenue difficile. Pour les candidats masculins de moins de 50 ans, ils doivent désormais attendre 35 jours avant d'obtenir une réponse hypothétique. Cela a un nom : le repli sur soi.