Quand la compétition électorale se réduit à une simple quête des sièges parlementaires. Les partis politiques sont toujours divisés au sujet du nouveau découpage électoral. Après avoir reçu une première mouture du projet de décret relatif à la nouvelle configuration des circonscriptions de la part du ministère de l'intérieur, qui n'apporte pas de gros changements par rapport aux élections de 2007, les formations politiques ont adopté deux positions diamétralement opposées. Le PJD et les partis de la Koutla démocratique, à savoir l'Istiqlal, l'USFP et le PPS, ont rejeté les propositions de Taib Cherkaoui en se prononçant en faveur de l'élargissement des circonscriptions. Pour sa part, l'alliance des quatre, regroupant le RNI, le PAM, l'UC et le MP, défend le découpage proposé par l'Intérieur. Les premiers estiment que l'élargissement permettra de lutter contre les fraudeurs des élections. «Le PPS souhaite l'élargissement des circonscriptions à travers l'assemblage des préfectures et ce, pour qu'elles soient composées d'au moins quatre sièges», précise Mustapha El Ghazoui, membre du bureau politique du PPS. «On aurait souhaité que Casablanca fasse l'objet de deux circonscriptions. Plus les circonscriptions sont grandes moins il y aura de possibilité pour acheter des voix», précise-t-il. Les islamistes sont du même avis. «Il ne faudra pas diviser les provinces et préfectures. L'élargissement des circonscriptions permettra de barrer la route aux escobars qui veulent acheter les voix», souligne Lahcen Daoudi, secrétaire général-adjoint du PJD. Et d'ajouter : «On doit lutter contre la fraude électorale et la balkanisation de la vie politique. La mise en place de petites circonscriptions ne permettra pas d'atteindre ces objectifs». Les seconds pensent, pour leur part, que le découpage suggéré par l'Intérieur est conforme aux critères contenus dans le projet de loi organique sur la Chambre des représentants. «On a opté pour des circonscriptions adaptées au découpage administratif à l'échelle des provinces et préfectures. Mais l'administration doit tenir compte de toutes sortes de critères pour arrêter le nombre de sièges notamment le taux de concentration de la population et la surface de couverture», explique Mohamed Moubdi, membre du bureau politique du Mouvement populaire (MP). «Le MP est contre l'assemblage de deux préfectures ou deux provinces dans une seule circonscription. Les partis qui n'ont pas une représentativité très étendue cherchent à ce qu'il y ait des conscriptions plus larges pour avoir plus de chance de gagner les élections», souligne M. Moubdi. Au sujet du découpage, les deux parties sont loin de faire des concessions et préparent déjà des observations, des arguments à l'appui, pour tenter de convaincre l'Intérieur à qui revient le dernier mot. Mais, pourquoi le découpage a-t-il suscité autant de débat contrairement à d'autres éléments du cadre juridique régissant l'opération électorale ? En dehors des déclarations officielles faites par les partis, qu'est-ce qui change pour un tel ou tel parti que la circonscription soit petite ou grande? Autrement dit, que cache l'autre revers de la médaille? En réalité, l'affaire se rapporte à des calculs électoraux des partis. Comme d'habitude, les formations politiques grandes et petites raisonnent en termes de nombre de sièges à obtenir dans le cadre du prochain Parlement. C'est ce qui fait pour eux l'enjeu du découpage électoral. Une circonscription petite ou grande, les partis s'attachent à ce qui arrange leurs affaires. Ainsi, pour l'USFP, l'Istiqlal et le PJD, qui ont une forte présence au niveau des villes, il est de leur intérêt que les circonscriptions soient plus larges et qu'elles respectent le critère de la répartition démographique pour qu'ils puissent rafler le maximum de voix. Par exemple, le PJD a toujours défendu l'octroi d'un siège parlementaire pour chaque 100.000 électeurs. Cela devrait permettre à ce parti islamiste, qui était arrivé en tête des élections communales de 2009 au niveau des villes, d'obtenir un bon score à partir du moment où le un cinquième des sièges serait réservé à la seule ville de Casablanca, sans compter les autres villes. Alors que dans l'état actuel des choses, la capitale économique ne dispose que de 20 sièges. Aussi, pour le parti de la balance ou le parti de la rose, qui sont fortement présents dans les villes, la mise en place de circonscriptions assez larges leur permettra d'obtenir un bon score. C'est pour cette raison qu'ils s'attachent à l'élargissement des circonscriptions. De l'autre côté, le RNI, le PAM et même le MP voient les choses autrement. A la différence de la Koutla et le PJD, ces partis tablent sur le monde rural et misent sur les notables qui ont plus de chances naturellement au niveau des circonscriptions de deux à trois sièges. Il n'est pas ainsi de leur intérêt que les circonscriptions soient larges. «Ce que cherche chaque parti en premier et dernier lieu c'est de mettre en valeur le découpage électoral qui lui permettra de remporter le maximum de sièges au sein de la Chambre des représentants», explique le politologue Mohamed Darif. «Il est de l'intérêt de certains partis que les circonscriptions soient larges alors que d'autres profitent des petites circonscriptions. Par exemple, pour un professionnel des élections, qui a toujours obtenu un siège dans une circonscription de deux sièges, trouvera une énorme difficulté dans le cadre d'une large circonscription», ajoute-t-il. Certes, il est légitime pour chaque parti, dans le cadre de la compétition électorale honnête et transparente, de chercher à remporter les élections afin de diriger le gouvernement et mettre en œuvre son programme électoral. Mais, il ne faut pas perdre de vue, également, que la mise en œuvre des dispositions de la nouvelle Constitution, le grand défi pour le Maroc d'aujourd'hui, veut que le jeu électoral ne se réduise pas à une simple quête des sièges parlementaires.
Découpage : Les quatre mesures de Taib Cherkaoui - Sur un total de 82 circonscriptions, 67 d'entre elles qui correspondent à des provinces et préfectures ne connaîtront aucun changement, notamment les circonscriptions de Casablanca. - Pour le reste, certaines provinces et préfectures peuvent être divisées. Il s'agit de la province de Marrakech qui comprend les trois circonscriptions d'El Médina, Gueliz et El-Menara et de certaines provinces qui comprennent deux circonscriptions, notamment Fès, Rabat, Taounate, Taroudant, Khémisset, Azilal et Settat. - Le découpage proposé par l'Intérieur prend en considération la création de nouvelles provinces et préfectures. - La nouvelle configuration proposée par M. Cherkaoui comprend, aussi, la création de dix nouveaux sièges. Deux ont été attribués à Tarfaya et deux autres sièges à Sidi Ifni. Pour le reste, l'Intérieur examine toujours la possibilité de les affecter à d'autres circonscriptions.