L'ADFM, la LDDF, l'OMDH et Bayt Al-Hikma mettent en garde contre ce qu'ils qualifient de remise en cause de l'un des principaux acquis en matière des droits de la femme. L'intégration des jeunes et des cadres dans la liste nationale réservée jusqu'ici uniquement aux femmes suscite la polémique. A l'heure où plusieurs partis politiques ont appelé à l'élargissement de la liste nationale pour comprendre des jeunes et des cadres, mettant en avant, dans ce sens, la nécessité de rajeunir et de renouveler les élites politiques, le mouvement féministe met en garde contre ce qu'il qualifie de remise en cause de l'un des principaux acquis en matière des droits de la femme au Maroc. Ainsi, le principe de la discrimination positive, instauré au Maroc en 2002 grâce à un consensus entre les partis politiques et qui a permis à trente femmes d'intégrer la Chambre des représentants en 2007 et à 15.284 femmes d'être élues dans le cadre des conseils locaux en 2009, est au cœur du débat. L'approche genre doit-elle désormais cohabiter avec d'éventuelles «approches âge et compétence»? Les féministes s'y opposent catégoriquement. Les réactions recueillies par ALM s'accordent pour affirmer que la liste nationale doit être réservée uniquement aux femmes. «Je ne comprends pas ce qu'on veut dire par jeunes et cadres. Ces derniers ne sont pas des catégories sociales. Il y a des jeunes et des cadres aussi bien parmi les femmes que les hommes. Nous refusons catégoriquement qu'il y ait une marche en arrière pour ce qui est des droits des femmes», souligne Fouzia Assouli, présidente de la Ligue démocratique des droits des femmes (LDDF). «Nous avons toujours milité pour qu'il y ait une bonne représentation des femmes au niveau du Parlement. La nouvelle Constitution prévoit le principe de la parité et nous voulons que ceci soit concrétisé au niveau de la pratique. Les propositions que nous font aujourd'hui les partis politiques ne sont pas encourageantes. Certes, on ne pourra pas atteindre la parité lors des prochaines élections mais le tiers des sièges est réalisable et aura un impact positif sur la représentativité féminine», ajoute Mme Assouli. «Le débat actuel à propos de l'intégration des jeunes et des cadres dans la liste nationale ne peut être expliqué du point de vue des droits de l'Homme. C'est un débat politique. Cette mesure est contraire au principe de la parité et risque d'affaiblir la discrimination positive. Il ne s'agit-là que d'une fuite en avant. Les partis politiques doivent penser à intégrer les jeunes et les cadres dans les listes des circonscriptions», indique, pour sa part, Amina Bouayach, présidente de l'Organisation marocaine des droits de l'Homme (OMDH). Et d'ajouter que «la catégorie sociale concernée par discrimination positive ce sont les femmes. Il s'agit de l'un des principaux acquis du mouvement féministe. Ce type de discrimination s'assigne comme objectif de promouvoir la participation des femmes dans la gestion des affaires publiques et d'enclencher une dynamique sociétale». Même son de cloche auprès de Rabiâ Naciri, membre de l'Association démocratique des femmes du Maroc (ADFM). «Le fait d'élargir la liste nationale aux cadres et aux jeunes ne veut rien dire. L'humanité est partagée en deux. Il y a les hommes et les femmes. C'est ce qui justifie qu'on ait une liste nationale. Supposons que les femmes, les cadres et les jeunes devront se présenter dans le cadre de la liste nationale, que présenteront les partis dans le cadre des circonscriptions ? La liste nationale va perdre sa pertinence si on y ajoute les jeunes et les cadres. Les partis politiques sont appelés à fournir un effort considérable pour promouvoir la représentation des jeunes et des cadres autrement», affirme-t-elle. «La promotion du rôle des jeunes et des cadres dans la vie politique ne doit pas se faire en violant les droits d'autrui. Il faut trouver d'autres solutions pour encourager la représentation des jeunes et des cadres. La liste nationale doit être réservée uniquement aux femmes et elle doit être améliorée. Le problème c'est qu'il n'y a toujours pas la volonté politique claire pour promouvoir la représentativité féminine», précise, pour sa part, Khadija Rouissi, présidente de Bayt Al-Hikma. A noter que le projet de loi organique sur la Chambre des représentants élaboré par le ministère de l'intérieur et présenté aux partis politiques prévoit l'élargissement de la liste nationale uniquement aux jeunes et lui réserve 90 sièges. Ce que proposent les partis politiques L'élargissement de la liste nationale pour comprendre des jeunes et des cadres ne fait pas l'unanimité parmi les partis. Pour le parti de l'Istiqlal, il est question de permettre aux jeunes de moins de 40 ans de se présenter dans le cadre de la liste nationale. Le PJD estime, quant à lui, que l'âge de 35 ans proposé par l'Intérieur pour les jeunes n'est pas constitutionnel. Le PPS est pour la représentativité des cadres des partis qui n'ont pas les moyens pour obtenir des sièges en se présentant dans le cadre des listes locales. L'UC propose, lui aussi, d'élargir la liste nationale pour comprendre en plus des femmes les jeunes et les cadres. Le PAM s'oppose, quant à lui, à l'élargissement de la liste nationale pour comprendre les jeunes et les cadres. Ce parti propose, par ailleurs, que les partis s'engagent à garantir une bonne représentativité des jeunes et des cadres au niveau des listes locales. L'USFP propose, lui aussi, de réserver la liste nationale aux femmes en lui réservant le tiers des sièges.