Le pacte d'honneur entre le Roi défunt Hassan II et son Premier ministre Abderrahmane Youssoufi a fonctionné. La succession monarchique balisée par une constitution claire quant à ses modalités a été consolidée par l'existence d'un gouvernement patriote, légitime et attaché au Droit. Il y a quatre ans Abderrahmane Youssoufi a été nommé Premier ministre. À la tête d'un gouvernement dont le noyau dur est constitué de l'USFP et s'appuyant sur six autres formations politiques, il allait lancer l'expérience de l'alternance au Maroc. Quatre ans après, et à quelques mois des élections législatives, l'heure du bilan approche. C'est un moment politique absolu qui a ses règles, sa méthodologie et sa déontologie. Or, aujourd'hui dans notre pays, les conditions d'un bilan, serein et constructif, pour évaluer les quatre années de primature de Abderrahmane Youssoufi ne sont pas réunies. Alors que ce sont quatre années cruciales. L'honnêteté intellectuelle étant, actuellement, une denrée très rare dans l'espace politico-médiatique marocain, cet exercice démocratique nécessaire, nous allons le rater, aussi. L'on se perdra une nouvelle fois dans les anathèmes, dans les imprécations et dans la haine. Mais cela n'est pas le plus important car les faits sont réels et têtus, le dérisoire ne peut pas les altérer. Prenons trois faits majeurs pour approcher le bilan de Abderrahmane Youssoufi et de son gouvernement : la succession monarchique, la transition démocratique et la transformation sociale. Le pacte d'honneur entre le Roi défunt Hassan II et son Premier ministre Abderrahmane Youssoufi a fonctionné. La succession monarchique balisée par une constitution claire quant à ses modalités a été consolidée par l'existence d'un gouvernement patriote, légitime et attaché au Droit. Abderrahmane Youssoufi, compte tenu de son histoire personnelle et de son passé militant, a été pour notre pays un atout supplémentaire à ce moment précis de la vie de la nation. Sur le plan de la transition vers la démocratie que vit le Maroc depuis plusieurs années, l'alternance a été un facteur d'accélération pour ce processus lent et difficile. Le pays est plus démocratique que par le passé, la liberté d'expression est une réalité et l'État de droit s'installe de plus en plus à un rythme également lent et difficile. Au niveau de la transformation sociale qui est plus en relation avec le bilan du gouvernement de Abderrahmane Youssoufi, on peut également dire que la « gouvernance » du Maroc a été améliorée. De grands chantiers ont été ouverts et un certain nombre de réformes entreprises. Toujours à un rythme lent et difficile mais cette fois-ci, il est imposé par l'absence de marges de manœuvres financières, par les aléas du secteur agricole et par l'ampleur du retard pris dans de nombreux domaines. Par contre, et en général, la notion de l'éthique dans la gestion des affaires publiques est elle aussi devenue une réalité plus prégnante. Sur ces trois facteurs majeurs, vous le constatez bien, avec un peu de bonne foi, nous pouvons créditer Abderrahmane Youssoufi d'une réussite certaine. Mais le paradoxe c'est que, justement, c'est sur ces trois réussites qu'il se fait attaquer. Tous les jours, de la manière la plus abjecte, la plus indécente et la plus injuste. Car Abderrahmane Youssoufi est devenu un obstacle. Tous ceux qui voulaient contrarier le cours de la succession, aujourd'hui, ils se sont révélés au grand jour, étaient gênés par la loyauté et le légitimisme de Abderrahmane Youssoufi. Tous ceux qui sont contre la transition démocratique parce qu'elle risque de consolider nos institutions sont aussi gênés par Abderrahmane Youssoufi. Seule la faillite de cette transition peut, selon eux, ouvrir une brèche pour que leur projet « dynastique » iconoclaste puisse prospérer. Et finalement tous ceux qui sont contre la transformation sociale en cours sont également gênés parce qu' elle peut aboutir à un bilan positif susceptible d'éloigner le chaos qu'ils nous annoncent tous les jours pour justifier l'arrivée de leur messie. Dans ce contexte précis, Abderrahmane Youssoufi n'est pas défendable. Ni lui, ni son gouvernement, ni son bilan. Il est trop constant dans sa démarche. Il construit alors que ses adversaires attendent l'inverse de lui pour faire avancer leurs idées nihilistes.