Après l'adoption de la Constitution, tout agroupement est censé se recentrer sur son rôle initial… L'évolution du paysage politico-social national depuis la manifestation du 20 février 2011 mérite d'être bien analysée. D'abord, le rappel des événements dans l'ordre chronologique. Le 20 février, des centaines de jeunes sortent dans la rue pour exprimer une multitude de revendications aussi disparates que la composition sociologique des manifestants. Deux remarques sont d'emblée notées par les observateurs: aucune remise en cause du régime monarchique et prépondérance des slogans anti-corruption sur les questions d'ordre institutionnel ou politique. Les islamistes d'Al Adl, qui ont participé d'une manière très mesurée le premier jour, vont ensuite entrer en jeu d'une manière très forte espérant exploiter la situation et montrer une force de mobilisation qui leur permettrait de s'ériger en interlocuteur de l'Etat afin de négocier une place sur l'échiquier politique dans l'avenir. Le 9 mars, Sa Majesté le Roi prononce un discours historique où le Souverain annonce une réforme révolutionnaire de la Constitution. L'annonce déstabilise tous ceux qui avaient joué leur va-tout en misant sur une réaction différente. Or, il se trouve que la réforme constitutionnelle faisait partie du projet de modernisation et de démocratisation entamé, il y a douze ans, et le moment était propice pour passer à cette nouvelle étape. Le processus de concertation élargie sur les réformes constitutionnelles prend fin le 17 juin avec l'annonce par le Souverain des grandes lignes de la nouvelle Constitution et les Marocains l'adoptent à une écrasante majorité le 1er juillet. Maintenant, qu'est-ce qui se passe ? En observant l'évolution de la situation, on se rend compte que tout est en train de rentrer dans l'ordre logique des choses. Les partis politiques sont en train de faire leur travail d'encadrement et se préparent à la bataille électorale en perspective. Les agroupements sociaux (syndicats et associations professionnelles) sont en train de recadrer leur action dans l'aspect syndical censé être leur vrai centre d'intérêt. Les cadres de la mouvance d'Al Adl Wal Ihssane, ayant compris que la Qawma (soulèvement houleux) promise par leur dirigeant spirituel à la suite d'un rêve qu'il aurait fait n'arrivera jamais, cherchent à entrer dans le jeu démocratique. Et, enfin, les jeunes leaders les plus visibles du mouvement dit du 20 Février sont en train de recentrer leur discours sur leurs thématiques d'origine, à savoir le droit de ne pas faire le Ramadan, d'afficher publiquement leur «mécréance» entres autres libertés individuelles qu'ils placent en tête de leurs revendications. Tout cela fait que la société marocaine entre dans une nouvelle phase où une Constitution moderne garantit à tout un chacun le droit d'exprimer son opinion et de militer pour la réalisation de ses revendications mais toujours dans le respect de la première règle de la démocratie, à savoir le respect par la minorité du choix fait par la majorité à travers les urnes.