Mohamed Darif estime que le ministre de la Communication a évoqué principalement le danger du courant salafiste. ALM : Le ministre de la Communication a déclaré que le gouvernement est déterminé à faire face aux mouvements de contestataires islamistes et de gauche. Quelle analyse en faites-vous? Mohamed Darif : Pour comprendre cette nouvelle position, il faut garder à l'esprit les premières déclarations du gouvernement à propos des manifestations du 20 février. Le gouvernement avait une position claire. Il avait dit que les revendications des jeunes sont des revendications légitimes qui sont exprimées dans le cadre de manifestations pacifiques. D'ailleurs, plusieurs forces politiques au Maroc ont toujours appelé à des réformes politiques notamment certains partis qui sont actuellement représentés au gouvernement. Ainsi, alors que les régimes en Egypte, en Libye ou en Syrie ont évoqué l'implication de parties étrangères ou d'Al Qaida dans la vague de protestations dans leurs pays, le Maroc a dit clairement qu'il n'existe nullement de contradiction entre les revendications des jeunes et les grandes orientations de l'Etat. C'est ainsi qu'on a relevé l'exception marocaine dans la région. Qu'est-ce qui a changé actuellement? En décidant d'interdire les marches des adlistes et des gauchistes d'Annahj, la question qui se pose aujourd'hui est celle de savoir si le gouvernement n'a découvert que récemment que Al Adl Wal Ihssane et Annahj Addimocrati sont les deux principales forces qui soutiennent le Mouvement du 20 février ? Tous les observateurs savaient dès le départ que les islamistes et les gauchistes soutenaient fortement les jeunes. Mais, la nouveauté aujourd'hui se rapporte à l'émergence d'un courant salafiste qui participe de manière forte aux marches du Mouvement du 20 février depuis le 20 mars. Ce courant comprend des salafistes, les familles des détenus ou des détenus qui ont été libérés. C'est un courant qui exploite le Mouvement du 20 février et qui cherche à se démarquer des autres composantes du 20 février. En réalité, le ministre de la Communication évoque, principalement, le danger de cette troisième catégorie. Les membres du courant salafiste scandent des slogans et réclament des revendications qui leur sont propres lors des manifestations. Après l'initiative du 14 avril consistant à libérer plusieurs détenus, les salafistes ont cru qu'ils devaient exercer la pression sur l'Etat pour obtenir la libération des détenus. Quel est le danger de ce courant salafiste ? On constate une radicalisation des revendications des salafistes. Les vidéos diffusées récemment sur les réseaux sociaux montrent des détenus haussant le ton contre le régime et les services de sécurité. Ils disent que ce sont les services de sécurité qui ont commandité l'attentat de Marrakech afin d'entraver le processus de réconciliation avec les détenus. Il s'agit-là d'accusations très graves et qui constituent une incitation contre les services de sécurité. L'objectif étant de discréditer ces derniers. Aussi, on a bien vu qu'il y a eu manipulation des jeunes à travers le changement des lieux des manifestations vers les quartiers populaires difficiles à maîtriser, notamment à Rabat et à Casablanca. A rappeler que toutes les émeutes qu'a connues le Maroc ont été déclenchées à partir des quartiers populaires. Là où il y a des éléments qui peuvent être facilement entraînés dans les actes de vandalisme. On a également la marche qui a été organisée vers le siège de la DST de Témara. La mutinerie islamiste dans la prison de Salé montre, également, que le dialogue avec ces personnes est difficile. En réalité, on ne doit pas conditionner le processus de réformes à la libération de tous les détenus de la Salafiya à partir du moment où certains parmi ces derniers constituent une menace réelle pour la stabilité de l'Etat. Or, le processus de réforme en cours ne doit pas porter atteinte à la stabilité de l'Etat.