La classe politique reste divisée à propos de la proposition de Abbas El Fassi d'organiser des élections par anticipation. La question de l'organisation d'élections législatives anticipées se pose avec acuité. La proposition de Abbas El Fassi, secrétaire général du parti de l'Istiqlal, d'organiser les prochaines élections législatives prévues en 2012 avant l'heure a suscité le débat. M. El Fassi avait souligné, lors du conseil national du parti de l'Istiqlal, tenu les 23 et 24 avril, à Rabat, que les prochaines élections devront avoir lieu directement après le référendum sur la nouvelle Constitution. Il avait justifié cette proposition par la nécessité d'«interagir avec la dynamique que connaît le Maroc actuellement ainsi que les revendications de l'ensemble des composantes de la société marocaine». Ainsi, après la réforme des instances nationales des droits de l'Homme, de bonne gouvernance et de moralisation de la vie publique et la libération des détenus politiques, le Maroc s'acheminera-t-il vers des élections législatives anticipées comme mesure d'accompagnement du chantier de la réforme constitutionnelle ? La classe politique demeure divisée à propos de cette proposition du Premier ministre. A l'heure où certains dirigeants de partis politiques estiment qu'il faudra bien recourir aux élections anticipées juste après le référendum, d'autres estiment qu'il faudra procéder, dans un premier temps, à une réforme du champ électoral (voir réactions page 10). La proposition de Abbas El Fassi avait suscité la confusion au sein même de son parti. Certains istiqlaliens estiment qu'il faudra bien entamer la nouvelle ère démocratique avec de nouvelles institutions, alors que d'autres mettent en garde contre le vide politique que peut générer une telle démarche, estimant que la réforme constitutionnelle nécessitera des réformes politiques pour son accompagnement, notamment la réforme du Code électoral et la loi sur les partis politiques. En dehors des positions des formations politiques, le politologue Mohamed Darif estime que l'organisation d'élections anticipées reste fatale vu le contexte actuel. «Actuellement, si on suit l'esprit de la dynamique de changement que connaît le Maroc, la tenue d'élections anticipées devient nécessaire et logique. Dans le discours fondateur du 9 mars, il est clairement souligné que les institutions gouvernementales continueront à assumer leur responsabilité jusqu'à l'adoption de la nouvelle Constitution. Donc, l'organisation d'élections anticipées me semble fatale», explique-t-il (voir entretien page 11). A noter que la dissolution du Parlement et du gouvernement figure parmi les principales revendications politiques du Mouvement du 20 février. «Il faut dissoudre immédiatement le Parlement et mettre en place un nouveau gouvernement politique composé de personnalités civiles ou même un gouvernement d'union nationale. On a bien vu que l'institution législative est complètement déconnectée de la dynamique que connaît le Maroc actuellement. Ce Parlement n'a plus aucune légitimité en plus du fait qu'il n'est absolument pas qualifié et qu'il n'a aucune vision. C'est la logique de la rente politique qui domine cette institution actuellement, alors qu'il doit constituer une force de proposition dans toutes les démocraties», souligne Najib Chaouki, membre du 20 février, dans une déclaration à ALM. Par ailleurs, M. Chaouki exprime sa réticence du fait que la proposition d'organiser les élections par anticipation soit l'émanation de M. El Fassi. «Abbas El Fassi a proposé des élections anticipées dans le cadre d'une rencontre de son parti et non en sa qualité de Premier ministre. D'ailleurs, le Mouvement du 20 février appelle au départ immédiat de Abbas El Fassi. A quoi sert pour lui de rester à la tête de l'Exécutif à l'heure où des dizaines milliers de manifestants ont appelé, le 20 février, le 20 mars et le 24 avril, à son départ ? Le gouvernement actuel est faible et son homogénéité est de plus en plus remise en cause. Je n'arrive pas à comprendre comment ce gouvernement pourrait gérer cette phase de transition vers une nouvelle Constitution. En appelant à des élections anticipées, l'Istiqlal veut faire du chantage à l'égard de l'Etat et des autres partis. Il sait bien qu'il va payer très cher la facture de cette période de transition et qu'il ne participera pas à la gestion des affaires publiques lors de la prochaine étape», ajoute-t-il. Un autre membre du 20 février estime que ce n'est pas la peine de prévoir des élections anticipées avant le changement de la Constitution. «Il nous faut une instance indépendante pour contrôler l'organisation des élections», précise Jalal Almakhfi, activiste au sein du Mouvement du 20 février, dans une déclaration à ALM.