À son trente et unième printemps, il se faisait passer pour un ingénieur en génie civil pour filouter les jeunes filles encore célibataires qui rêvent d'un prince charmant. Comme son ombre, il suivait ses pas. Quand elle s'est rendu compte de sa présence, il lui a fait les yeux doux et lui a lancé un petit sourire. Elle a fait semblant qu'il ne l'intéressait pas. Et pourtant, il n'a pas baissé les bras. Il a continué à la suivre. Pourquoi ? Que voulait-il d'elle? C'est la question qu'elle s'est, peut-être, posée. Seulement, elle n'a pas osé lui en demander. Elle s'est arrêtée devant une parfumerie du passage piétonnier de la rue du Prince Moulay Abdellah, à Casablanca. Il ne s'est pas approché d'elle. Au contraire, il s'est planté loin d'elle à trois ou quatre mètres. Tout d'un coup, elle a rapidement tourné ses yeux pour le fixer. Il lui a lancé encore une fois un beau sourire. Et elle a repris son chemin pour passer à l'autre côté du passage piétonnier, donnant sur le boulevard Hassan II. Le jeune homme bien habillé, charmant, portant un cartable noir, s'est approché cette fois-ci d'elle. Il lui a chuchoté quelques mots à l'oreille. Un beau sourire s'est dessiné sur ses lèvres . Et elle s'est arrêtée. Il l'a invitée à prendre un café. Elle n'a pas refusé. Ensemble, ils ont repris leur chemin à destination du café le plus proche, celui qui se situe juste en face du parc de la Ligue Arabe, au boulevard Moulay Youssef. «Je suis ingénieur en génie civil», lui a-t-il affirmé lors de leur discussion autour d'un verre de jus d'orange et un café noir. «Ingénieur» et «génie civil», trois mots qui avaient leurs résonances particulières dans ses oreilles, au point qu'elle n'a pas pu lui demander plus d'explications. «Maintenant, je suis en stage dans une grande entreprise qui va m'embaucher définitivement au maximum dans six mois», lui a-t-il ajouté. Âgé de trente et un ans, il lui a précisé qu'il s'appelle Younes, qu'il a poursuivi ses études avec succès, qu'il sera, dans les prochains mois, un grand cadre dans une entreprise multinationale, que son travail va lui permettre de toucher un important salaire qui dépasse les trente mille dirhams et qu'il rêve de partager sa vie avec une belle fille qui lui ressemble. Attentivement, la jeune fille l'écoutait comme si elle n'a jamais entendu des paroles pareilles. Il lui a expliqué qu'elle devait être certaine qu'il rêve de l'avoir pour toujours à ses côtés pour fonder un foyer très soudé. Hafida. C'est son prénom qu'elle lui a révélé enfin. À son vingt-septième printemps, elle lui a affirmé avoir quitté l'école au primaire, qu'elle demeure au quartier Derb Ghallef en compagnie de ses parents, qu'elle est employée dans une société chargée de la vente du matériel informatique et qu'elle rêve comme toutes les filles de son âge d'avoir un prince charmant. Est-ce Younes ? «Je suis tombé amoureux dès notre première rencontre. Je t'aime». C'était une confession qui a ébranlé le cœur de Hafida. En conséquence, elle s'est livrée à lui sans prendre ses précautions. Elle a cru en ses paroles et ses promesses au point qu'elle lui a offert comme cadeau son cœur, son corps et son argent. À chaque fois, elle lui donnait des sommes d'argent. Il lui expliquait qu'il en avait besoin et qu'il ne pouvait pas s'adresser à ses parents ni à ses amis pour en avoir. Au fil du temps, il a disparu. Et elle a découvert qu'il n'était qu'un escroc qui promettait monts et merveilles aux jeunes filles célibataires. Elle n'était pas sa première victime. Elle est la énième. Car, quand elle s'est adressée à la police pour déposer une plainte surtout qu'il lui a subtilisé une bague en or, elle a découvert que d'autres filles avaient déjà porté plainte contre lui. Arrêté, Younes a été traduit devant la justice et la chambre correctionnelle près le tribunal de première instance à Casablanca qui l'a condamné à deux ans de prison ferme.