Ils partageaient, tous les deux, le même lit quand la fillette de la maîtresse s'est approchée d'eux. Rapidement, l'amant l'a poussée. Et sa petite tête s'est cognée mortellement contre le mur. Il se tenait au banc des accusés. Il ne tournait pas sa tête pour regarder l'assistance comme faisaient les autres détenus. C'est comme si aucun membre de sa famille n'a assisté à son procès. Et pourtant, il y avait sa mère, ses deux sœurs et son frère dans la salle d'audience. Sans aucun doute, il y avait aussi quelques voisins du quartier. Nous sommes à la chambre criminelle près la Cour d'appel de Casablanca. La salle d'audience était archicomble. Mais, pour lui, c'était comme s'il n'y avait personne, à l'exception des trois juges. Il ne tournait même pas ses regards à sa gauche, vers le représentant du ministère public ni à sa droite vers le greffier. Bref, il regardait droit devant lui. «Je m'appelle Abdelghani A, fils de (…), né en 1980 à Casablanca, employé, célibataire, demeurant à la rue (…), j'ai purgé une première peine d'emprisonnement, en 2000, de huit mois de prison ferme et ce, pour vol simple, consommation de drogue, coups et blessures et une deuxième peine d'un an de prison ferme pour vol simple avec récidive», a-t-il répondu lorsque le président de la Cour l'a interrogé sur son identité. Le président qui feuilletait le dossier d'Abdelghani lui a rappelé qu'il était poursuivi, en état d'arrestation, pour homicide volontaire avec préméditation et guet-apens. Abdelghani a gardé le silence, il n'a pas prononcé le moindre mot. Il s'est contenté de fixer, cette fois-ci, uniquement le président de la Cour. Celui-ci l'a surpris sur un ton ferme par la question : « L'as-tu tuée ?». Abdelghani, qui semble avoir rougi, n'a pas répondu. Et à haute voix, le président lui a répété la question. «Oui, mais je n'avais pas l'intention de la tuer. Ce n'était pas, M. le président, un homicide volontaire», a-t-il répondu. Abdelghani, célibataire, a entretenu une relation amoureuse avec Nora, une jeune femme de vingt-six ans, divorcée et mère d'une fille de deux ans. Leur relation remonte à quelques mois, quand ils se sont rencontrés dans une pharmacie. Comme lui, elle achetait un médicament. Mais elle n'avait pas toute la somme du prix du médicament. Quand elle s'est apprêtée à quitter la pharmacie sans prendre le médicament, il est intervenu pour le payer. Tous les deux sont sortis de la pharmacie pour s'asseoir dans un café. La conversation a été engagée et la relation a été entreprise. « Depuis, j'ai commencé à la rencontrer chez moi. Elle passait même la nuit chez moi », a-t-il précisé à la Cour. Et sa petite fille ? Selon le dossier de l'affaire, elle l'accompagnait chez Abdelghani. Ils couchaient ensemble alors que la fillette, de deux ans, se tenait sur un petit matelas. Ils ne s'intéressaient pas à elle quand elle sanglotait. Ils ne s'intéressaient qu'à leurs désirs devant ses regards innocents ! «Pourquoi tu l'as tuée alors qu'elle n'était qu'une enfant ?», lui a demandé le président de la Cour. Seulement, Abdelghani a répondu : «Je ne l'ai pas tuée M. le président. C'était un accident». Un accident ? Le président de la Cour lui a demandé de lui fournir plus d'explications. «M. le président, nous couchions ensemble, moi et sa mère, quand elle s'est approchée de nous. Rapidement, je l'ai poussée. Et sa tête s'est cognée contre le mur», a-t-il détaillé. La fillette a rendu l'âme. La police est arrivée. Abdelghani et sa maîtresse ont été embarqués pour être conduits au commissariat de police. Et la défunte a été transportée à la morgue pour être autopsiée avant d'être enterrée. Un drame qui a terminé par la condamnation d'Abdelghani à douze ans de réclusion criminelle après la requalification de l'accusation d'homicide volontaire avec préméditation et guet-apens à coups et blessures ayant entraîné la mort sans l'intention de la donner. Et sa mère ? Elle a écopé d'une peine de trois mois de prison ferme pour débauche.