Selon le politologue Saïd Lakhal, malgré leurs différences idéologiques et de positions, ces individus qui appellent à la révolution aspirent, chacun à sa manière, au pouvoir. C'est pour eux le moment adéquat pour atteindre leurs objectifs. ALM : Pourquoi ces individus appellent à la révolte en ce moment ? Saïd Lakhal : Malgré leurs différences idéologiques et de positions, ces individus partagent une même et unique motivation. Celle de régler leurs comptes avec le régime. C'est pour eux le moment adéquat pour atteindre leurs objectifs. Ils veulent ainsi assimiler la situation du peuple marocain à celle des Tunisiens et des égyptiens. Ils veulent inciter les Marocains à se soulever contre le régime prétextant que leurs conditions de vie sont semblables à celles des deux pays précités. Ainsi, ils appellent non pas qu'à des réformes mais implicitement à un changement du régime, seul moyen pour eux de faire évoluer le Maroc. Du haut de leur tour d'ivoire, ils essayent tant bien que mal de montrer qu'ils sont de tout leur cœur avec les Marocains et qu'ils partagent leurs soucis. Alors que c'est une pure hypocrisie, parce que pour faire prévaloir les droits des Marocains et améliorer leurs conditions, il faut partir de leur réalité. A titre d'exemple, Al Adl Wal Ihssane n'a jamais voulu participer au côté des autres forces politiques et s'inscrire dans une dynamique démocratique pour des réformes progressives. Comment raisonne Al Adl Wal Ihssane, dans ce contexte ? Depuis la création de la mouvance Al Adl Wal Ihssane, celle-ci a annoncé son refus de l'alternance politique dans le cadre du régime monarchique, parce qu'elle considère cela comme une manière de servir le régime et le faire durer. Alors qu'elle a été créée avec pour principal but justement le changement du régime. Actuellement, la Jamaâ saisit une opportunité pour montrer que sa devise, sa philosophie et sa démarche sont adéquates et en phase avec les attentes de la Oumma, preuve en est les révolutions en Tunisie et en Egypte. Tout ceci crée de l'enthousiasme et l'espoir chez ses adeptes, les conforte quant aux buts tracés par la Jamaâ et réveille la légende de leur rêve prémonitoire. Ils leur donnent l'illusion que les islamistes sont au seuil du pouvoir. La Jamaâ rêve d'une révolution au Maroc qui sera pour elle un tremplin vers le pouvoir vu que cette mouvance est bien organisée. Nadia Yassine, la fille du guide de la Jamaâ, a déjà annoncé dans El Pais que la Jamaâ soutiendrait une révolution du peuple, c'est-à-dire qu'ils sortiront qu'en dernier pour récolter et s'accaparer les fruits d'une éventuelle révolution. A quel agenda obéissent ceux qui appellent à cette révolution ? Chacun à sa manière aspire au pouvoir. Le prince Moulay Hicham ne veut pas un changement du régime, mais un changement de la tête du régime. Pour s'instaurer comme le plus habilité, le plus qualifié, l'homme providentiel que les Marocains approuveront vu que ces derniers sont attachés à la royauté. L'idéologie du capitaine Adib est connue depuis sa participation au putsch. Ainsi il ne voue aucune sympathie envers la monarchie. Les intentions et la tactique conjoncturelle d' Aboubakr Jamai se croisent avec celles d'Adib et d'Al Adl Wal Ihssane. Jamaï souhaite également régler ses comptes avec le régime parce qu'il n'a pas trouvé assez de liberté pour exprimer ses opinions et parce qu'il a refusé les jugements du tribunal à l'encontre de son journal. Mais lui n'est pas pour un régime islamiste comme la Jamaâ, ou pour une dictature militaire comme Adib, mais pour un système républicain utopique régi par une liberté absolue. Qu'en est-il de Hicham Bouchti et Abdelilah Issou ? Ces gens se considèrent comme des exilés politiques, alors que tous les exilés politiques marocains sont revenus au pays. Radicalistes, ils ont choisi de s'exclure volontairement et vouent une inimitié gratuite contre le régime à l'instar de mouvance tels «Anahj Adimocrati» et les bassistes. Ils appellent à l'instauration d'un système démocratique, mais leur pratique à l'intérieur de leur organisme ne reflète aucunement leurs convictions affichées. Ils sont nourris par une haine envers le régime dont se sont libérés auparavant grâce à l'IER les séquestrés de Tazmamart.