Ahmed Essyad sera interprété pour la première fois au Maroc par l'Orchestre Philharmonique du Maroc (OPM). Il parle de cet événement et de son œuvre. ALM : Que représente pour vous le fait d'être joué par l'OPM ? Ahmed Essyad : C'est un grand moment dans ma vie, cela fait cinquante ans que j'écris, cinquante ans que ma musique est jouée ailleurs, cinquante ans que des institutions occidentales me fassent commande, et c'est la première fois de ma vie qu'une institution marocaine, de mon pays, me passe commande d'une œuvre. Tout d'un coup, je me sens légitime et je remercie l'Orchestre philharmonique du Maroc. Et je remercie ces musiciens qui travaillent maintenant sur cette œuvre, parce que ce n'est pas une œuvre facile et j'admire leur courage et leur ténacité à surmonter ces difficultés techniques pour donner lecture à cette œuvre, je les remercie, je suis très ému. Pouvez-vous nous présenter «Passions», l'œuvre qui sera interprétée? « Passions», comme une passion d'aimer, passion de vivre, passion d'être un homme parmi les hommes. Ce peut-être aussi la passion de ce qui nous dépasse, la passion de Dieu. Il y aura d'autres passions dans l'avenir, il y aura celle qui porte le nom de passion selon Ibn Arabi, une autre selon Jallal Eddine Erroumi, pourquoi pas une selon Maymouni, grand philosophe juif contemporain d'Ibn Arabi en Andalousie, à l'époque où en même temps les musulmans et les juifs réfléchissaient dans la proximité et dans la tolérance. Dans quelle mesure la rigueur est un trait qui caractérise vos œuvres ? On ne peut pas écrire dans la nonchalance. Dans l'acte d'écrire, il y a une exigence fondamentale, c'est celle d'accepter son ignorance, et d'écrire pour apprendre à mieux écrire. C'est pour cela qu'il faut avoir une rigueur. Et moi, je ne fais qu'apprendre, je ne sais pas écrire. D'une oeuvre à l'autre, j'apprends. Si je savais ce que j'allais écrire, je ne l'écrirais pas, ça ne m'intéresse pas. J'ai besoin de rigueur et la musique, c'est ça. La première des rigueurs c'est l'obligation de la variation, de l'invention, de la non répétition. C'est facile de répéter la même rengaine, mais ce n'est pas l'objet de la musique. La musique c'est la vie. Ce temps qui passe est le nœud cordial de la musique. Donc, ce temps nous est compté dans l'œuvre, on n a pas le droit de le gaspiller à répéter nonchalamment la même idée. Il faut plutôt aller aux conséquences de cette idée, la pousser à son extrême, à son ultime conséquence. C'est ça écrire la musique. Pourquoi vous et votre enseignement êtes absents du Maroc ? Cela fait 15 ans que je suis au Maroc et que j'écris au Maroc. Il me semble que mon plus grand regret est que j'ai échoué à faire prendre conscience de la nécessité de revoir l'enseignement musical dans notre pays, de se donner les moyens de bâtir une politique et un cursus de formation qui nous permettraient d'avoir dans 15 ,ans 20 ans de merveilleux instrumentistes capables de jouer. On se dit qu'il y a un problème d'emploi, un bon violoniste gagne bien sa vie, 5000 euros en Europe, et on manque de violonistes en Europe. Avez-vous rencontré les musiciens de l'OPM ? Je les aime beaucoup, je les ai toujours écoutés dans leurs concerts et je trouve que ce sont des musiciens courageux et merveilleux parce que ce n'est pas facile de faire cette musique et de travailler autant avec les difficultés qu'ils ont. Je trouve extraordinaire que cet orchestre arrive à produire cette sonorité avec cette qualité d'instrument qu'ils ont. Pourquoi, il n'y a personne, institutions nationales ou privées qui n'investiraient pas dans un achat d'instruments pour ces instrumentistes. Un bon violon, plus il vieillit plus il prend de la valeur, c'est économiquement rentable. «Les concert du Nouvel An» de L'OPM «Les concert du Nouvel An» auront lieu du 17 janvier au 22 janvier à Casablanca, Rabat et Tanger. Cette année, l'Orchestre philharmonique du Maroc interprétera pour la 1ère fois une œuvre de musique classique contemporaine marocaine. Cette œuvre, «Passions», est une commande que l'OPM a passée au compositeur marocain Ahmed Essyad.